- Tell Halaf (تل حلف) - à 2km de l'actuel village de " Ras al-Aïn " (رأس العين)
Gouzana (غوزانا ـ غُزانة ـ جوزانا) - Gûzâna - Gozan (le nom biblique) - Resaina (époque romaine)- Theodosiopolis (le byzantin) et Ras al-Aïn (le nom arabe actuel - رأس العين).
Tell Halaf (Gouzana) est situé au Nord de la Syrie, près des sources de la rivière Khabour (خابور), l'antique Aborrhas, près des frontières avec la Turquie (تركيا) ; à 74 km de Hassaké (حسكة).
La Culture de Halaf :
Le site de Tell Halaf fut occupé depuis le Ve - IVe millénaires av. J.-C. À cette époque, le site était connu pour la qualité et les caractéristiques particulières de sa poterie que l'on peut admirer en visitant certains musées de prestige comme le musée du Louvre à Paris, et le British Museum à Londres… Il s'agit d'une céramique remarquablement ornée d'une peinture très raffinée, en partie polychrome, à laquelle fut donnée le nom de " Culture de Halaf " (VIe et première partie du Ve millénaire av. J.-C.).
Il existe en Haute Mésopotamie, le long des rivières Khabour et Balikh (بليخ) plusieurs sites appartenant à cette culture halafienne, ils correspondent à la zone dans laquelle elle fut diffusée (de Zagros à l'Est, au lac de Van au Nord-est, aux bords de l'Anatolie au Nord-ouest, à l'Euphrate au Sud puis au bassin d'Hermin au Sud-est) ; elle est présente aussi à Ras Shamra (Ugarit) au niveau IV et dans la plaine de l'Amuq, aux phases C et D. Les sites les plus connus où elle évolua la culture de Halaf sont : Tell Halaf, Tell Kashhkkashuk, Yarim Tépé, Umm Kusayr, Chagar, Bazar, Hammam el-Turkmen et Sabi el-Abiad, el- Damechlieh, Khazana, Shams el-Dine.
En effet, au cours du VIe millénaire avant Jésus-Christ (vers 5500), se développa une nouvelle culture caractérisée par l'émergence d'une céramique de tradition différente par rapport à celles du littoral syrien et de la Syrie intérieure de la région de Damas ; il s'agissait de céramique peinte, et parfois polychrome ; cette nouvelle culture fut appelée " Culture de Halaf ", parce qu'elle fut découverte pour la première fois sur le site de Tell Halaf.
Outre les caractéristiques de la céramique propres à cette culture, elle se distingue aussi par l'architecture qui fut utilisée dans la construction des édifices, des habitations ...C'est une architecture différente et archaïque par rapport l'évolution constatée au cours des périodes précédentes de l'histoire de la Syrie ; sur le plan symbolique on note la multiplication de la production des figurines et des motifs peints sur la céramique qui représentent la déesse-mère et de décors sous forme de bucranes, de têtes ou de cornes très stylisées de taureaux et qui furent répandues dans la région deux millénaires auparavant.
A la fin du Ve millénaire, la culture de Halaf disparaît relativement vite de la Syrie, remplacée par la " Culture d'Obeid
", issue de la Mésopotamie méridionale, qui fut aperçue pour la première fois à el-Obeid, plus évoluée reprenant et participant à l'évolution et au développement de la culture néolithique acquise au cours VIIe millénaire et qui fut interrompue par la culture de Halaf.
Tel Kashhkkashuk qui se trouve à 25 km, au Nord-est de la ville de Hassaké en Syrie, est considéré comme un des sites où la culture de Halaf se répandit (VIe millénaire av. J.-C.), remplacée ensuite par la culture d'Obeid au cours du IVe millénaire et ensuite la culture d'Uruk de la fin du IVe millénaire et fin du IIIe millénaire av. J.-C. L'étude des couches archéologiques et de la céramique de ce site a permis d'identifier trois phases d'évolutions, la première phase remonte au VIe millénaire av. J.-C., c'est-à-dire à la culture de Halaf. Cette phase a livré une céramique lustrée et peinte en noir-rouge, ornée de motifs géométriques croisés, penchés, ondulés ou circulaires et exceptionnellement floraux. Tous ces motifs décoratifs sont faits avec une application soigneuse et une grande précision.
L'architecture de la culture de Halaf est caractérisée par les " Tholos ", constructions à plan circulaire, utilisées probablement comme lieux de stockage des céréales ; par contre les maisons avaient un plan rectangulaire.
Les sites de cette culture sont de petite superficie ; les habitants pratiquaient une agriculture sans irrigation, la chasse, l'élevage de bétail, en particulier des ovicapridés (moutons et chèvres). L'homme de la culture de Halaf enterrait ses morts et vouait un culte aux divinités. L'organisation de la société en petit groupe ne nécessitait pas de structures administratives. Mais les fouilles de certains sites, comme Sabi el-Abiad sur le Balikh prouvent que les sites de la culture de Halaf étaient parfois plus vastes, nécessitant une administration organisée avec des édifices et objets liés à cette administration, comme des seaux, jetons...
- Le royaume Araméen de Bît Bakhiani
Après une longue période d'endormissement ou d'abandon, la cité de Tell Halaf, réapparaît pour faire partie de l'Histoire de la Syrie, à partir de la fin du IIe millénaire et début du Ie millénaire av. J.-C., mais cette fois sous le nom de Gouzana (غوزان ـ غُزانة ـ جوزانا), la capitale du royaume araméen-arabe Bît Bahiani (بيت بحياني) ou Bît Bakhiani (بيت بخياني). L'épanouissement, la prospérité et l'indépendance de ce royaume dura jusqu'au début du IXe siècle, mais en effet, déjà à l'époque du roi assyrien Adad-Nârâri III (v.900 av. J.-C.), le roi de Gouzana, Abisalamu devint tributaire de l'Assyrie. Ensuite, le royaume de Bakhiani oscilla entre la dépendance et l'indépendance de l'Empire assyrien, mais sa position politique, économique et militaire furent gravement réduites quand les assyriens occupèrent réellement le royaume et installèrent un gouverneur assyrien dans sa capitale Gouzana à partir de 808 av. J.-C.
La date de la destruction de Gouzana et son palais royal reste imprécise, mais probablement eut lieu vers 758 av. J.-C. lors de l'expédition militaire du roi assyrien Assur-dan (772 - 755 av. J.-C.) contre Gouzana, en révolte contre l'occupation assyrienne.
Le roi le plus connu à Gouzana est Kapara, fils d'Handianu (ou Hiadiani), car son nom fut inscrit sur des statues et d'orthostates provenant du palais qui porte son nom (Palais de Kapara). Ce roi, sur certaines inscriptions, se dit " Roi de Palê ", donc Palê fut-il un autre nom de Gouzana? Ou le nom de son royaume? Voire, le nom d'une autre ville gouvernée par Kapara avant de devenir le roi de Gouzana?
Enfin, la période où le Kapara vécut reste assez indéterminée, elle est située entre le XIIe et le IXe av. J.-C.
Les fouilles archéologiques du site débutèrent à partir de 1919 sous la direction de l'ingénieur prussien, le baron Max von Oppenheim, puis furent interrompues durant la Ie guerre mondiale, puis reprises durant deux années, entre 1927 - 1929.
Ces fouilles permirent de découvrir deux édifices importants, le palais de la dynastie Kapara (XIIe ou IXe - VIIIe siècles av. J.-C.), puis un temple.
Le palais Kapara (قصر كبارا) est un monument de 52 mètres de long et 30 mètres de large, il fut édifié sur l'éperon d'une citadelle près de la rive de la rivière Khabour (خابور) qui formait son côté Nord, tandis que les trois autres côtés étaient entourés par des fortifications.
La partie la plus impressionnante de ce palais fut son entrée cérémoniale qui se distinguait par la présence de trois cariatides sculptées dans le basalte volcanique noir ; deux parmi ces cariatides représentent le dieu Hadad حدد (dieu de l'orage, de la pluie et des sources) ; sur la première cariatide Hadad debout sur un lion, et sur la deuxième, il surmonte debout un taureau ; le dieu tient dans la main droite une sorte de crochet retenu par une bande de cuir et, il s'appuie de la main gauche sur le pommeau d'une épée.
La troisième cariatide représente la déesse Ishtar surmontant debout un lion, son fauve emblématique, elle est vêtue d'une longue robe, mais laissant apparaître ses avant bras ; elle tient dans la main gauche un récipient d'eau.
Une dédicace sur la robe de la déesse fut traduite ainsi " Palais de Kapara, fils de Hiadiani (ou Handianu). Ce que mon père et mon grand-père n'ont pas fait, moi je l'ai fait. Celui qui effacera mon nom pour y inscrire le sien, que sept de ses fils soient brûlés devant Hadad et que sept de ses filles soient vouées comme esclaves à la déesse Ishtar ".
En sculpture, cariatide est une statue représentant une femme et rarement un homme, utilisée comme support architectural, comme colonne.
Sur tout au long du passage cérémonial de l'entrée du palais Kapara, on trouve aussi des sculptures et des orthostates représentant des griffons, des lions, des sphinx et des sphinges. Puis aussi, les murs du palais qui sont en brique, dont les bases furent renforcées par des orthostates disposés alternativement, en basalte puis en calcaire, ils furent ornés par des bas-reliefs représentant des animaux (lions, taureaux, griffons, aigles, autruches), puis des personnages et des scènes de vie (roi sur son char tiré par deux chevaux, archer, hommes armés, personnages grimpant à un arbre dans le but de dénicher des oiseaux...). Au total, on compte 179 bas-reliefs découverts, à Tell Halaf (Gouzana).
La majorité de ces orthostates portent cette inscription en cunéiforme
" Palais Kapara, fils de Hadiani ", mais certains portent des dédicaces à Hadad, le dieu de l'orage, ce sont probablement des éléments décoratifs d'un édifice plus ancien et qui furent intégrés ensuite à ce palais.
L'entrée monumentale du palais Kapara avec ses cariatides, ses sphinges et lions furent répliqués par moulage et installés sur la façade et à l'entrée du musée archéologique d'Alep en Syrie.
Les statues et les orthostates ornés par des bas-reliefs qui furent trouvés dans le palais de Kapara portent une empreinte particulière caractérisée par un style de sculpture artistique très étonnant, bizarre et plus ou moins propre à cette cité. Ce style est facilement identifiable en observant la façon dans laquelle sont présentées les divinités, les génies protecteurs, les personnages, les animaux, et les sphinx.
Certains de ces sculptures, bas-reliefs et orthostates sont exposés au musée d'Alep (originales ou copies par moulage) ; d'autres à Berlin, en Allemagne, puis certains éléments de cette collection allemande furent exposés dans un musée spécial " Tell Halaf " à Berlin, mais malheureusement cette collection fut perdue à jamais suite à un bombardement du musée, par les Alliés en 1945, au cours de la deuxième guerre mondiale.
- Actuellement, les œuvres d'art provenant de Tell Halaf et exposées au musée d'Alep sont nombreuses :
- D'abord les statues originales du dieu Hadad et de la déesse Ishtar qui faisaient partie des cariatides de l'entrée du palais Kapara.
- Deux personnages féminins assis : deux statues, l'une originale et l'autre, une copie par moulage. Toutes les deux représentent une femme, assise, probablement une princesse à traits de visage très curieux avec un nez pointu, prolongeant directement un front fuyant, donc sans incisure à la jonction du nez avec le front.
- Couple de divinités : Hadad, le dieu de l'orage, de la pluie et des sources, puis Ishtar, la déesse de l'amour et de la fertilité assis devant un récipient en basalte destiné à recevoir le sang des sacrifices offerts par les fidèles.
La version originale de cet oeuvre est exposée
Vorderasiatisches Museum de Berlin.
- Un génie ailé : un être composite à tête d'homme barbu de faciès sémitique, sur le corps d'un lion ailé, des pattes d'aigle et la queue de scorpion.
- Une stèle ornée par un bas-relief représentant une scène de la mythologie sémitique :
le Gilgamesh au milieu, entouré par deux êtres ailés, à tête humaine et à deux jambes sous forme de pattes de taureau puis une queue, ces deux êtres représentent un seul personnage mythologique, il s'agit d'Enkidou. Les trois personnages sont dominés par le soleil ailé.
- Hadad de Gouzan ; protecteur des eaux des cieux et de la termme (musée de Damas)
En Effet, Enkidou est l'homme sauvage de la forêt qui perdit sa sauvagerie naturelle, grâce à des relations charnelles et sexuelles avec une femme, une courtisane envoyée à sa rencontre par Gilgamesh lui-même. Ensuite, Enkidou humanisé, devint l'ami intime de Gilgamesh, avec lequel, il vécut de multiples aventures et tua le monstre de la forêt des cèdres, Humbaba.
Suite à la mort accidentelle d'Enkidou, Gilgamesh, profondément triste est perdu, consacra son temps à chercher le secret de la vie éternelle, la vie sans mort. Évidemment, il trouva après un long et pénible voyage, la plante de l'immortalité, mais malheureusement, c'est le serpent, l'ennemi traditionnel de l'homme, qui vint lui voler cette plante et le priva, ainsi que l'humanité entière de l'immortalité.
- Au voisinage de Tell Halaf, il existe un site connu actuellement sous le nom de Tell Fakhariyé (تل فخارية). Les fouilles archéologiques sur ce site ont permis d'extraire une statue d'un important intérêt historique. Il s'agit d'une sculpture en basalte représentant un roi araméen de Gouzana au nom de " Hadad-Yis'i, fils de Shamash-nuri ", en grandeur nature (1,65 mètre de hauteur), avec une inscription sur le dos ; c'est un texte bilingue, écrit en Araméen (23 lignes, soit 198 mots composés par alphabet araméen avec 733 lettres toutes lisibles) et en Assyrien (38 lignes) ; la partie araméenne est le plus ancien texte connu jusqu'à nos jours et écrit dans cette langue ; il date de la fin du IXe siècle av. J.-C. ; il évoque la dévotion du roi à Hadad, dieu de l'orage et des sources qu'il vénère dans son temple à Sikanu (Tell Fakhariyé).
Tell Fakhariyé fut un poste militaire et une importante ville garnison romaine
sous le nom de Resaina ; elle abritait la IIIe légion Parthica sous le règne des Sévères et contrôlait une zone frontalière (avec les Perses) tout au long de Khabour sous le nom de Gauzanitis. Quand l'empereur Théodose I (379 - 395 ap. J.-C.) accorda à cette ville les droits de cité, elle changea du nom pour devenir Théodosiopolis.
Tout près et au Sud de Tell Halaf, il existe des sources d'eau sulfureuse connues actuellement sous le nom de Hammam al-Sheikh Bachir (حمام الشيخ بشير) ; ces sources sont caractérisées par le jaillissement du sol d'une quantité énorme d'eau sulfureuse, chaude et nauséabonde. Les sources furent exploitées par les Français en édifiant des bains publics durant le mandat de la France en Syrie ; ces bains sont actuellement en ruine.
- Les Araméens :
Ce sont des peuples arabes, pasteurs, éleveurs de bétail, nomadisant et se déplaçant dans la partie désertique du Moyen de l'Euphrate, au Nord du désert de la Syrie, depuis des millénaires.
Au cours du XXIIIe siècle av. J.-C. ; un document historique des archives akkadiennes prouve cette présence ; dans ce document il fut mentionné que Naram-Sin, le roi d'Akkad eut un adversaire portant le titre de " Bêl Aram - بل ارام ", c'est-à-dire, " Seigneur d'Aram ". Puis, un texte datant de la 3e dynastie d'Ur mentionne la présence d'une cité-état du nom " d'Aram - ارام ".
Mais aussi dans l'ancien testament, le fils d'Abraham, Isaac allait épouser Rebecca l'araméenne.
Recherchant à prospérer et améliorer leurs conditions de vie, les Araméens entamèrent des mouvements de migration vers le Nord et commencèrent à se sédentariser dans une région allant du Nord de la Syrie jusqu'à la partie occidentale de l'Iran, mais en particulier dans toute la région fertile du Moyen Euphrate syrien, dans la zone située entre Abu-Kamal (au Sud Est de la Syrie actuelle, près des frontières avec l'Iraq) et Jérablus, au Nord, près des frontières avec la Turquie ; puis au Sud, jusqu'à la montagne de Bishri sur la rive occidentale de l'Euphrate, et la région de Palmyre.
La présence officielle des Araméens comme étant une puissance militaire, politique et économique menaçante en Syrie fut attestée dans les annales assyriennes d'Adad-nârâri, datées autour de 1300 av. J.-C. Environ 20 ans plus tard, Salmanazar I, au cours d'une expédition militaire contre le royaume de Hanigalbat, se heurta aux Hittites alliés aux Ahlamu (hordes araméennes).
A la 4e année du règne du roi assyrien Tiglat-pilesser I (1115 - 1077 av. J.-C.), en 1110 av. J.-C., dans des documents officiels, il déclara avoir vaincu des Akhlamu (أكلامو ، أخلامو) ou Ahlamu (أحلامو) en les qualifiant d'Araméens (ou Ahlamu-Araméens - Bédouins araméens) dans leur pays situé entre le Suhu et la ville de Kargamish ; dans une deuxième expédition militaire, il les vainquit à Jabal Bishri et à Palmyre.
Tiglat-pilesser I déclara avoir traversé 23 fois l'Euphrate pour aller combattre ces Araméens installés à l'Ouest de son Empire.
Les Annales du roi assyrien Assur-bêl-kala (1073 - 1056 av. J.-C.) attribuent pour la première fois aux Araméens une zone géographique bien déterminée
comme étant le " Pays d'Aram ", il s'agit d'une région située de Harran aux monts du Tur Abdin à l'Est, puis en direction du Khabour au Sud.
Certains documents datant de XIVe siècle av. J.-C. identifient les Ahlamu de la région de Dilmun (Bahrein aujourd'hui) comme étant les Bédouins ancêtres des Arabes de la région du golf Arabique, voire de l'Arabie.
Les historiens font aussi la distinction entre les Araméens qui s'installèrent dans la partie centrale et basse de la Mésopotamie, en particulier, la région du Tigre (l'Iraq aujourd'hui), puis les Araméens qui s'installèrent, plus à l'Ouest, dans la Syrie aujourd'hui, car effectivement, les premiers, c'est-à-dire, les Araméens orientaux (une quarantaine de tribus en Babylonie) gardèrent une mode d'existence pastorale, à l'écart des grands centres urbains, ils ne se mêlèrent pas à la vie politique, et résistèrent quand il s'agissait de les soumettre à l'autorité officielle.
Par contre les Araméens occidentaux de Syrie furent beaucoup plus ambitieux, ils profitèrent de l'instabilité de la région, et du vide créé par la disparition de l'influence de l'Empire hittite et des autres royaumes et cités-états suite à l'invasion du Proche-Orient par les Peuples de la Mer, au cours du XIIe siècle av. J.-C., pour prospérer dans cette région de la Syrie et participer à la vie économique est commerciale avec les peuples survivant après ce ravage par des peuples venant d'ailleurs ; puis ces Araméens se sédentarisèrent et fondèrent leurs propres villes, cités-états et royaumes pour ensuite menacer la puissance incontestable qui se trouvait plus à l'Est, c'est-à-dire l'Empire assyrien dominant dans la région qui correspondait à l'Iraq d'aujourd'hui, avec comme capitale Kalkhu (l'actuelle Nimrud), puis au VIIe siècle à Ninive.
- Sous la pression des Araméens de Syrie, le royaume assyrien fut obligé d'abandonner
la Haute Mésopotamie et se réduit à son territoire d'origine, dans la région du Tigre.
Historiquement, les Araméens constituèrent une douzaine de royaumes dans les plaines septentrionales, occidentales et méridionales de la Syrie.
Certains sont connus grâce aux inscriptions assyriennes qui leur attribuent le nom de " Bît " (qui veut dire en Arabe " maison "- baït ou bayt - بَيْت) ; car la société araméenne est une société avec une hiérarchie tribale dans laquelle, le roi ou le chef de tribu représente le père, et le pays représente la maison.
Parmi les royaumes araméens, on peut citer :
- Bît Zamani (بيت زماني) dans la région de Diyarbakir (ديار بكر) (en Turquie aujourd'hui) avec pour capitale Amedu ;
- Bît Bakhiani (Bît Bahiani - بيت بخياني) (avec pour capitale Gouzana (جوزانا ـ غوزانا) à Tell Halaf (تل حلف) aujourd'hui),
- Royaume d'Aram Naharayn (Aram Naharain - آرام النَهرين), c'est entre les deux fleuves, entre l'Euphrate (الفرات) et son confluent Khabour (الخابور), la capitale de ce royaume fut Nasibîna (نصيبين). Il s'agit l'un des plus anciens royaumes araméens ; il se situe au nord-est de Bît Bakhiani. Ces deux royaumes occupèrent la région située dans le triangle de Khabour ;
- Bît Halupe et Bît Asalli dans l'angle que dessinent l'Euphrate et le Khabour ;
- Bît 'Adini (بيت عديني), tout au long de la rivière de Balih ; capitale = Til Barsip (Til Barsib ou Barsip- تل برسيب), Tell Ahmar (تل أحمر) aujourd'hui ;
- Fadan Aram (فدان آرام) autour de Harran (حران).
- Aram Juchour (آرام جشور) entre Harmoun et Bachan
- La'ach (لعش), près de Hama.
- Bît Agushi (بيت أجوشي), connu auparavant sous le nom " Yahan "; royaume occidental entre l'Euphrate et la Méditerranée (capitale = Arpad - أرباد- cette ville se trouve au Nord d'Alep, son nom actuel est Tell Rif'at - تل رفعت - dans la région d'A'zaz - أعزاز)
- Le royaume de Ya'undi/Sma'al (شمْأل ـ سمْال), au pied de l'Amanus et au nord de Bît Agushi ;
- Le royaume d'Unqi (ou Unqi-'umq, ou Amuq ou le royaume de Pattina) : sur le littoral méditerranéen, au sud de l'Amanus et à l'ouest Bît Agushi, dans la région actuelle d'Antioche ; sa capitale fut Alalah puis appelée par Assurnasipal II, " Kinalua " ;
- Bît Gabbari ou le royaume de (Qu'e) à l'ouest du royaume de Ya'undi/Sma'al (dans la région de la Cilicie) en Turquie aujourd'hui ;
- Le royaume de Hamat (la ville moderne de Hama - حماة) qui contrôlait la vallée de l'Oronte (العاصي) ;
- Bet Sobah (بيت صوبا ـ آرام صوبا) et Bet Rehob (بيت رُحوب) dans la Syrie méridionale entre le royaume de Hamat et le royaume de Damas ;
- Bet Rehob (بيت رُحوب), se situait d'après certains historiens près de la ville de Hama (حماة).
- D'après certaines références, Bet Sobah (بيت صوبا),ou Aram Sobah (آرام صوبا), eut pour capitale, la ville de Sobah (صوبا) qui veut dire (la couleur rouge et le cuivre) et qui correspond à la ville de Khalqis (خلقيس ou Anjar - عنجر), aujourd'hui dans la plaine de Bekka (بقاع) ; d'autres pensent que Sobah est la ville de Homs (حمص). Le royaume de Bet Sobah change de capitale pour devenir Damas, et avec ce changement de nom, il devint le royaume d'Aram Damas (آرام دمشق).
- Le royaume de Damas (la capitale du royaume de Sa-imer-su, ou le royaume d'Aram ou Bît Haza'el, ou Bît Haza'ili ; le plus méridional des royaumes araméens puis le plus puissant au cours du VIIe siècle av. J.-C.).
- Aram Ma'kah (آرام معكة) , à l'Est du Jourdain, au Sud de Damas.
- Karkamish كركميش (au sud de Ya'undi/Sma'al) et Karatépé qui furent auparavant des villes hittites ; Kummuh, Milid, Gurgum : il s'agit de royaumes connus par des inscriptions locales.
- Des royaumes plus lointains : Bît Yakini (بيت ياكيني) dans la région du Golf Arabique ; Bît Houzayi (بيت هوزايي) en Iran
- Donc, pour anéantir cette puissance araméenne naissante, qui se présentait sous forme de plusieurs royaumes dominant la majorité de la Syrie intérieure jusqu'à Damas, puis dans le but de créer un empire assyrien avec un accès à la mer méditerranée, les rois assyriens entreprirent de multiples expéditions militaires contre ces états et royaumes araméens, et cela à partir de la fin de XIe siècle av. J-C., mais surtout au cours du IXe et VIIIe siècles av. J.-C.
Les annales d'Assurnasirpal II font mention d'une expédition militaire assyrienne contre Bît 'Adini vers 876 av. J.-C. avec la destruction de la ville de Kaprabu.
Le conquérant assyrien et le redoutable ennemi des royaumes araméens fut
Salmanazar III (858 - 824 av. J.-C.). En 856, il s'empara de Til Barsip (la capitale de Bît 'Adini بيت عديني) et la rebaptisa (Kâr-Salmanazar ou Fort-Salmanazar) et annexa le royaume à l'Empire assyrien.
Fort-Salmanazar devint une ville royale assyrienne ; de cette époque, les fouilles archéologiques (à tell Ahmar aujourd'hui) ont permis de découvrir un palais assyrien possédant une importante collection de peintures murales qu'on peut admirer au musée d'Alep en Syrie.
Les royaumes de la côte et les royaumes méridionaux (12 royaumes) s'unirent contre Salmanazar III et vainquirent son armée à la bataille de Qarqar (قرقر), an nord de Hama (حماة), sur l'Oronte, (العاصي) en 853 av. J.-C ; dans cette bataille, l'armée araméenne était commandée par Adad-idri, le tout puissant roi de Damas.
Ensuite, le royaume de Bît Bakhiani (بيت بخياني) fut envahi par l'armée assyrienne à la fin de IXe siècle, sa capitale, Gouzana fut conquise, le gouverneur assyrien s'établit dans la ville en 808 av. J.-C., et fit construire un autre palais, sur une autre localité de la ville. La date de la destruction de Gouzana et son palais royal reste imprécise, mais probablement eut lieu vers 758 av. J.-C. lors de l'expédition militaire du roi assyrien Assur-dan (772 - 755 av. J.-C.) contre Gouzana, en révolte contre l'occupation assyrienne.
Plus tard, c'est la ville de Hadatu (l'actuelle Arslan Tash) qui tomba aux mains des assyriens.
Il fallut attendre le règne de Tiglathphalazar III (745 - 727 av. J.-C.), pour que l'armée assyrienne puisse conquérir les royaumes araméens occidentaux et méridionaux. Arpad (capitale de Bît Agusi), puis Damas (capitale d'Aram ou Bît Haza'el) furent prises et leurs richesses furent transportées en Assyrie.
En effet, la ville d'Arpad fut prise par les Assyriens en 740 av. J.-C., après 3 ans de siège.
Damas fut assiégée par l'armée assyrienne en 733 av. J.-C., elle parvint à résister, mais elle tomba un an plus tard (732 av. J.-C.) et son royaume fut divisé en plusieurs provinces assyriennes.
En Hamat qui fut un royaume tributaire loyal aux Assyriens en 738 av J.-C., sous le règne de son roi Eni-ilu ; cette situation ambiguë fut rompue en 720 av J.-C. quand le roi de ce royaume " Yau-bi'di " inspira une rébellion générale qui embrasa la Syrie, la Palestine et la ville de Samarie. Sargon II (721 - 705 av J.-C.) infligea une défaite définitive à la coalition araméenne à Qarqar (قرقر), au Nord de Hama, sur l'Oronte et devint le " Destructeur de Hamat " ; il déporta au royaume de Hamat qui fut réduit en province assyrienne, 6300 Assyriens criminels.
Lors de la révolte de Hamat en 720 av J.-C., les Damascènes sous l'occupation assyrienne, rejoignirent ce soulèvement. Sargon II, trois ans plus tard et dans un but punitif, établit dans Damas d'Amurru (du pays d'Aram = Syrie), une partie des populations déportées des villes de Pâpa et Lallukna.
Au cours de ces guerres répétitives entre les Assyriens et les royaumes de la Syrie, des Araméens en grand nombre furent déportés loin de leur pays, car la politique de déportation des populations conquises fut un élément principal de la stratégie militaire de l'Empire assyrien.
- Religion
Hadad est le principale dieu des Araméens, mais ces derniers vénérèrent aussi les autres divinités du Proche-Orient ancien, tel que Sin (la lune) sous le nom de Shahar (shahr - شهر - en arabe = la lune et également, le mois du calendrier) ; le dieu El ; Shamash (le soleil) ; Resheph ; Rakib-el, sans oublier Ishtar (Astarté la syrienne), associée souvent à Hadad.
- L'Araméen (langue) :
Après la chute de Damas et la fin des royaumes araméens en Syrie, l'Araméen, devint langue diplomatique à la cour de l'Empire assyrien.
Les Babyloniens alliés aux Médes envahirent les territoires de l'Empire Assyrien, et ils s'emparèrent de Ninive, sa capitale en 612 av. J.-C. Par la suite, une dynastie araméenne, les Chaldéens, prit le pouvoir à Babylone. Ces Chaldéens, un peu plus tard, s'emparèrent de l'ensemble du pays d'Amurru (la Syrie intérieure et la Phénicie).
L'Empire chaldéen tomba entre les mains des Perses et leur roi Cyrus le Grand s'empara de Babylone en 539 av. J.-C.
Après ces événements historiques et la succession des grands et puissants Empires étrangers, les Araméens ne constituent plus une entité politique distincte, et il se confondirent avec la masse commune des populations de la région, mais ce ne fut pas sans laisser des empreintes de leur existence que les archéologues mettent à jour régulièrement sur les sites phares de leurs royaumes, mais ces Araméens laissèrent aussi un héritage intellectuel très important, il s'agit de leur langue et de leur écriture alphabétique, l'Araméen, qui va devenir rapidement la langue la plus parlée dans tout le Proche-Orient, puis la langue internationale, dans cette partie du monde, notamment pour les traités et les transactions commerciales, puis les relations diplomatiques, en supplantant bien sûr, les autres anciennes langues sémitiques, et pour cette raison, sous l'Empire Assyrien et ensuite l'Empire Achéménide, l'Araméen fut imposé comme la langue et l'écriture officielles impériales ; cela favorisa davantage l'expansion de cette langue ; des documents en Araméen sur pierre et sur papyrus furent trouvés en Anatolie, puis en Egypte (sur l'île Eléphantine) et bien sûr en Syrie et en Palestine.
L'Araméen fut la langue que parlait Jésus-Christ, et c'est également dans cette langue que l'Ancien Testament sera d'abord rédigé ; les passages de la Bible n'étaient pas écrits en Hébreu, mais en Araméen (Livres de Daniel et parties du Livre d'Ezra).
Sous la domination grecque puis romaine et ensuite byzantine sur le Proche-Orient, l'Araméen resta la langue la plus parlée. Il a fallu attendre jusqu'à 635 ap. J.-C., pour que l'Araméen soit remplacé par l'Arabe proprement dit, cela eut lieu suite aux conquêtes arabo-islamiques en Syrie et dans l'ensemble du Moyen-Orient.
Mais en effet, l'Araméen n'est pas complètement mort, car la langue syriaque que l'on connaît aujourd'hui, est tout simplement un autre nom donné par les premiers Chrétiens orientaux à l'Araméen utilisé dans la langue liturgique, pour le différencier de l'Araméen parlé à l'époque par les païens au Moyen-Orient. Puis aujourd'hui, on sait que dans certains villages situés au Nord de Damas, dans le massif montagneux de Qalamoun, il y a encore des populations qui parlent et écrivent l'Araméen, comme c'est le cas à Ma'loula, puis à (Bakh'a) à 7 km au Nord de Maaloula et enfin à Joub'adine à 3 km à l'Ouest de Maaloula.
- L'alphabet araméen :
- Au XIe siècles av. J.-C., les Araméens adoptèrent l'alphabet phénicien ugaritique de 22 signes pour noter les 27 consonnes de leur langue appartenant au groupe sémitique du Nord-ouest, les voyelles ne sont pas notées, ou remplacées par des consonnes faibles, mais plus tardivement, ils utilisèrent les points voyelles comme c'est le cas dans l'Hébreu.
- Dans l'histoire de l'évolution de l'Araméen, les spécialistes distinguent trois étapes :
- L'Araméen ancien : c'est l'Araméen du Xe au VIIIe siècle av. J.-C., c'est-à-dire la langue des royaumes araméens indépendants de la Syrie. Le texte bilingue inscrit sur la statue en basalte représentant un roi araméen de Gouzana du nom de " Hadad-Yis'i, fils de Shamash-nuriTell "qui fut trouvée à Fakhariyé (تل فخارية), près de Gouzana est le plus ancien texte connu de cet Araméen ancien.
- L'Araméen impérial : à partir de la fin de VIIIe siècle av. J.-C. il fut la langue des cours de l'Empire assyrien et de l'Empire Achéménide ; il constitua la langue internationale du Proche-Orient.
- L'Araméen moyen : il fut la langue au Proche-Orient durant l'époque grecque et romaine. Le Palmyrénien et le Nabatéen sont des formes dialectales de l'Araméen moyen.
- Puis l'Araméen évolua en deux phases :
- La première phase ou l'Araméen commun ou répandu : du IXe siècle av. J.-C. jusqu'à la mort d'Alexandre le Grand, en 323 av. J.-C. Donc cette phase correspond historiquement, à l'époque des royaumes araméens, et les empires Assyrien, babylonien chaldéen puis achéménide.
- La deuxième phase ou l'araméen dialectal : de la mort d'Alexandre le Grand jusqu'à nos jours. Avec l'occupation du Moyen-Orient par le Grec, la langue grecque commença à se répandre dans cette région du monde pour remplacer très partiellement l'Araméen ; donc là où l'Araméen persista, il prit la forme dialectale. Les historiens divisent ces dialectes (dialecte = variante locale d'une langue) araméens en deux branches : les dialectes occidentaux et les dialectes orientaux.
- Parmi les dialectes occidentaux :
- L'Araméen de l'Ancien Testament (IIe et IIIe siècles av. J.-C.) : livre d'Azra et livre de Daniel ; ce dialecte devint l'Araméen de Palestine.
- Le Palmyrénien, le Nabatéen, l'Araméen des premiers Chrétiens ; l'Araméen des Juifs occidentaux ; l'Araméen de Samarie et enfin le nouvel Araméen
- Parmi les dialectes orientaux (de Babylone et la partie orientale du Moyen-Orient) :
- Le Syriaque (السريانية)
- L'Araméen des Juifs orientaux
- Les nouveaux dialectes araméens orientaux
- Le Mendéen...
- Des tous ces dialectes, ils subsiste de nos jours quatre dialectes :
- Le Syriaque moderne (السريانية الحديثة)
- L'Araméen de Mossoul (الموصل) en Iraq
- L'Araméen de Tor 'Abidin (طور عابدين) dans le Haut-Tigre en Iraq (أعالي دجلة)
- L'Araméen de Ma'loula (معلولا) et les deux villages avoisinants, au Nord de Damas.
|