Héraclès avait reçu d’Eurystée l’ordre de capturer
seul puis de lui ramener sans le tuer
cet
animal énorme qui vivait sur le mont Erymanthe en Arcadie. La poursuite dura
de longs mois au cours desquels le héros reçut l’hospitalité du bon centaure
Pholos, mais entra en lutte avec ses congénères attirés par l’odeur du vin,
leur boisson favorite, dont on venait de déboucher une jarre. Les flèches
d’Héraclès enduites du sang de l’Hydre ne leur laissèrent aucune chance. Trop
curieux, Pholos se piqua en examinant les flèches et mourut. Le sage et
immortel centaure Chiron, blessé lui aussi par accident, sujet à
d’atroces souffrances, offrit son immortalité à Prométhée et pu ainsi accéder
au repos. Héraclès repris la traque du sanglier, dont il retrouva les traces
dans une épaisse couche de neige où il fit courir la bête qui s’épuisa, ce qui
lui permit de la capturer dans un filet. Il la ramena sur ses épaules à
Eurystée. Effrayé par la taille du gibier, qu’Héraclès avait pourtant laissé
aux portes de la ville comme il en avait reçu l’ordre, Eurystée se cacha en
plongeant dans son urne en bronze.
5. Destruction des
oiseaux du lac Stymphale
Immenses volatiles consacrés à Arès, ayant une morphologie d’ibis aux serres et
becs d’airain, à la pointe des ailes en cuivre, nombreux à obscurcir le
ciel, ces oiseaux se nourrissaient de chair humaine et semaient la terreur
autour du lac Stymphale, en Arcadie. Leurs abondantes fientes pestilentielles
détruisaient les cultures ce qui amenait la famine. Cachés dans les
frondaisons des marécages qui entouraient le lac, les oiseaux restaient cachés
et inaccessibles.
Athéna offrit à Héraclès des crotales de bronze,
ancêtres des castagnettes, forgées par Héphaïstos (remplacées selon les
fictions par des cymbales ou une crécelle), dont le bruit effraya les oiseaux
qui s’envolèrent, si bien que le héros réussit à les abattre de ses flèches.
Quelques survivants allèrent se réfugier sur l’île d’Arès en Mer Noire. On
peut assimiler ces oiseaux maléfiques aux Harpies, à l’oiseau pique-cervelle
des histoires arabes du Sahara, voire aux grands cormorans norvégiens
destructeurs des poissons des étangs des Dombes !
6. Nettoyage des
écuries d’Augias
Héraclès tira gloire de ses cinq premiers travaux qui
réclamaient force et bravoure. Eurysthée
lui en imposa un sixième beaucoup plus humiliant : nettoyer en un seul
jour les immenses écuries qu’
Augias, roi d’Elide, laissait envahir par
le fumier des chevaux offerts par son père le soleil
Hélios, crottin qui
en revanche manquait à la fertilisation des champs. Héraclès détourna le cours
de deux fleuves,
l’Alphée (fils du titan Océan et de la titanide Téthys)
et le Pénée, après avoir ouvert des brèches d’entrée et de
sortie dans les murs des écuries : l’eau s’engouffra et évacua en un
instant les déchets. C’est ce dieu-fleuve Alphée qui, sortant de son lit pour
l’y entraîner, pourchassa la belle nymphe
Aréthuse. Le roi avait promis
pour récompense le dixième de son bétail, mais il refusa de tenir son
engagement, allant jusqu’à bannir Héraclès et son propre fils Phyléos qui
prenait sa défense. Bien longtemps après, Héraclès le tua, ainsi que tous ses
fils sauf
Phyléos qui avait eu le courage de témoigner en sa faveur.
L’expédition contre Augias tourna mal au début : les deux Molinides
Eurytos et Ctéatos, fils de Poséidon, blessèrent à mort le demi-jumeau
Iphiclès. Sur le chemin des troisièmes Jeux Isthmiques, Héraclès leur tendit
une embuscade, les tua, puis alla se débarrasser d’Augias, mettant Phyléos sur
son trône. Phyléos offrit au héros de vastes terrains au bord du Pénée, sur
lesquels il éleva un temple dédié à son père Zeus et construisit un stade où il
créa les Jeux Olympiques. Coluche résuma d’une
formule dont il avait le secret ce que pense le public : « Pauvre
France, ton incurie attend encore son Augias »…Ce sixième exploit fut le
dernier travail accompli dans le Péloponnèse, plus précisément en Arcadie,
région de hautes plaines assez fertiles, dont la Renaissance puis le Grand
Siècle et le Siècle des Lumières feront une sorte de paradis terrestre.
Héraclès devra ensuite voyager au loin, parfois aux limites du monde,
dépassant la Méditerranée, pour accomplir sa tâche.
7. Capture du taureau
de Crète
Poséidon avait rendu furieux un magnifique taureau blanc, offert à
Minos pour qu’il prouve sa légitimité royale sur l’île, mais que le roi de Crète avait
ensuite refusé de sacrifier au dieu de la mer. Le taureau dévastait les
récoltes de l’île et menaçait les habitants de famine. Il engendra le
Minotaure (tué plus tard par Thésée) avec la reine
Pasiphaé, qui
pour copuler aisément s’était placée dans une vache de bois construite
par
Dédale. Le héros réussit à saisir la bête par les cornes, à la faire
tomber à genoux avant de l’entraver, de la charger sur ses épaules et de
l’apporter sans dommage à Eurystée, en Argolide, en Grèce. Là, le taureau fut
offert à Héra qui lui rendit la liberté ; il gagna la plaine de Marathon
en Attique en causant moult dégâts. Finalement il fut capturé par
Thésée qui
le sacrifia à
Athéna.
8. Capture des juments
(cavales) de Diomède en Thrace
Aidé de son compagnon
Abdéros,
Héraclès fut
chargé par Eurysthée de s’emparer des cavales
aux mâchoires de cuivre de
Diomède, roi des Bistones et fils d’Arès, qui
les nourrissait de la chair humaine des voyageurs égarés sur ses terres. Chemin
faisant, Héraclès s’arrêta chez le roi
Admète, l’un des argonautes, dont
l’épouse
Alceste venait de mourir. Il n’hésita pas a descendre la
rechercher aux Enfers (sa première descente), à disputer sa proie à Thanatos.
Il rendit à son époux Admète la méritante défunte Alceste (alors qu’Apollon
avait échangé aux Destins Admète mort contre sa femme, ressuscitant le
mari : que de complications !). Arrivé aux écuries, il mata les
cavales rétives de coups de sa massue, et les entraîna au bateau. Mais l’alerte
avait été donnée. Diomède et ses troupes arrivèrent dans la plaine du rivage.
Voyant leur nombre, Héraclès inonda la plaine en creusant un canal jusqu’à la
mer. Au cours du combat, Diomède fut tué par le héros qui alla jeter sa
dépouille aux chevaux carnivores. Mais, horreur, ceux-ci avaient piétiné et
dévoré le malheureux
Abdéros laissé à leur garde. Apaisés et repus, les
animaux furent ramenés à Mycènes attelés au char du héros. Ensuite les chevaux
furent selon les récits soit livrés aux bêtes féroces sur le mont Olympe, soit
consacrés à Héra.
9. Prise de la ceinture d’Hippolyté, reine des Amazones
Cette ceinture magique, emblème du pouvoir des femmes
guerrières, cadeau d’
Arès son père, ornait la robuste taille de
la reine Hippolyté qui régnait à l’est sur les pentes du Caucase ou les plaines du Danube.
Eurysthée voulait donner cette ceinture à sa capricieuse
fille Admèté qui la convoitait : il envoya donc Héraclès s’en emparer. On fit route par
l’Hellespont, le Bosphore et le Pont Euxin. En chemin, deux soldats furent
massacrés par les troupes du roi Minos, qui les remplaça par deux de ses
petits-fils pour éteindre la fureur d’Héraclès. Ce dernier défit aussi les
Bébryces au profit de Lycos, roi des Mariandynes. Héraclès, d’abord bien
accueilli par la souveraine séduite qui se laissa facilement prendre avec sa
ceinture, dut finalement la capturer (ou la tuer) pour garder le précieux
objet, à la suite d’une querelle fomentée par Héra déguisée en
Amazone. Il
aurait été aidé pour cette expédition par Thésée, et lui aurait donné
Antiope captive (considérée dans cette version comme la sœur de la reine Hippolyté)
mais amoureuse. Une autre version place plus tardivement la venue de
Thésée : amoureux d’Antiope, il l’aurait enlevée, ramenée à Athènes où vinrent
en guerre
les Amazones, qui avaient traversé le Bosphore pour récupérer
leur reine ; celle-ci mourra alors, soit tuée par
l’Amazone Molpadia,
soit sacrifiée par Thésée qui lui préféra Phèdre, une fille de Minos. Pendant
son voyage de retour, Héraclès délivra
Hésioné, sur le point d’être
dévorée par un monstre marin envoyé par Poséidon. Mais le père de la jeune
fille,
Laomédon (mari de Leucippé)
, roi de Troie, refusa de lui
donner les deux juments immortelles promises pour cet exploit. Héraclès jura de
se venger, ce qu’il fit après ses travaux, prenant Troie (première de ses trois
prises de la ville) et tuant Laomédon et sa progéniture, épargnant seulement
Priam et Hésioné, qu’il donna à son compagnon
Télamon.
10. Capture des bœufs de Géryon
Le monstre géant à trois têtes et six bras
Géryon, frère
d’Echnida, demeurait dans les pays de l’Ouest, au-delà des
limites connues de la terre, près des Enfers. Ses bœufs devaient leur éclat à
leur régime exclusif de chair humaine (on pense à l’ESB de la vache folle
nourrie de farines animales !). Héraclès partit en expédition. Accablé par
la chaleur dans le désert de Lybie, le héros menaça
Hélios de ses
flèches. Pour l’apaiser, le Soleil lui prêta un anneau d’or qui permettait de
franchir l’Océan sur la coupe qu’il empruntait lui-même chaque soir pour gagner
son palais en Occident. Héraclès franchit le détroit mer-océan, y élevant les
deux colonnes Calpé et Abyla (rochers de Gibraltar et de Ceuta) pour laisser
trace de son passage. Il dut encore menacer Océan de ses flèches afin qu’il
calme les vagues déchaînées. Il tua alors Géryon d’une flèche empoisonnée par
le sang de l’Hydre de Lerne après avoir assommé de sa massue les autres
gardiens du troupeau (le chien à deux têtes
Orthros, le laid géant
berger
Eurytion, un dragon à sept têtes) et s’empara du bétail. Deux
pins pleurant des larmes de sang poussèrent sur le tombeau de Géryon. Héraclès
revint par les terres : la Gaule, l’Italie et la Trace, jusqu’au
territoire d’Eurystée qui sacrifia tous les animaux à Héra.Pendant
le voyage de retour qui eut lieu par la rive nord de la Méditerranée, il
traversa avec son troupeau l’Aventin, région désertée depuis qu’y sévissait le
Géant
Cacus, fils tricéphale de Vulcain. Cacus vola quelques bœufs alors
qu’Héraclès dormait et les entraîna dans sa grotte en les faisant progresser à
reculons sur de la paille afin qu’ils ne laissent pas de trace. Mais le géant
fut trahi par sa laide sœur Caca, qu’il avait l’habitude de maltraiter et
qu’impressionnèrent les attributs du héros. Hercule surprit Cacus et parvint à
l’écarteler à mains nues malgré les flammes sortant de ses trois bouches.
Auparavant, il avait déjà trucidé deux fils de Poséidon (Iabelion et Dercynos)
ainsi que le roi Eryx qui en voulaient à ses bêtes et l’avait défié à la lutte.
Héra, toujours mauvaise, envoya des taons qui piquèrent et dispersèrent les
animaux en Trace ; quelques-uns uns furent perdus et retournèrent à l’état
sauvage.
11. Les pommes d’or
du jardin des Hespérides
Ces fruits merveilleux, poussant sur l’arbre offert
par Gaia à Héra lors de son mariage avec Zeus, étaient gardés par le dragon
immortel aux cent
têtes Ladon (fils de Typhon et d’Echnida) et par les
Hespérides, filles de la Nuit et ravissantes nymphes du Couchant, dans un
jardin enchanté où coulait l’ambroisie, boisson des dieux, situé en Extrême –
Occident (plutôt que chez les Hyperboréens). Les Nymphes du
fleuve Eridan,
en Illyrie, conseillèrent tout d’abord au héros de consulter
Nérée sur
la route à suivre ; après avoir essayé de fuir en se transformant en
animal, le Vieillard de la Mer dompté lui donna des conseils pour circonvenir
le géant Atlas, pères des Hespérides. Héraclès délivra en chemin
Prométhée enchaîné dans le Caucase et supplicié selon la volonté de Zeus par un aigle qui
dévorait son foie sans cesse régénéré : Prométhée lui conseilla de faire
cueillir les trois pommes d’or par son frère le géant Atlas. Héraclès étouffa
en Libye le
géant Antée, fils de Poséidon et de Gaïa, en le serrant sur
sa poitrine et en le soulevant si bien que ses pieds n’avaient plus accès à la
source tellurique de sa force, alors que par deux fois le géant s’était relevé
après des assauts perdus ; se nourrissant de lions,
Antée avait promis à son
père de lui élever un temple fait de crânes humains. Après avoir tué le dragon
Ladon (grâce à une flèche autrefois trempée dans le sang de sa sœur,
l’Hydre de
Lerne), Héraclès prit provisoirement la place
d’Atlas, père des
Hespérides, qui soutenait le poids du monde : il le soulagerait à
condition qu’
Atlas lui rapporta les pommes. Le géant revint avec les fruits, mais
refusa de reprendre son fardeau. Héraclès parvint rendre le globe au naïf «pour
un instant », sous prétexte d’interposer un coussin confortable entre la
Terre et ses épaules. Puis il s’enfuit avec les fruits. Eurystée rendit les
pommes d’or au héros, qui les consacra à
Athéna ; la déesse les rapporta
aux Hespérides. Triste d’avoir perdu Ladon, Héra l’envoya au firmament en
créant
la constellation du Dragon. Au
cours du voyage d’approche, Héraclès tua le roi d’Egypte
Busiris qui
voulait faire voler les troupeaux de moutons des Hespérides par des brigands
soudoyés. Au retour, il occît sur la demande d’Apollon le brigand
Cycnos,
fils d’Arès, qui dépouillait les voyageurs sur la route de l’oracle de
Delphes.
Venu à la rescousse, le dieu
Arès fut blessé par le javelot d’Héraclès
(heureusement détourné vers la cuisse par Athéna) et s’enfuit dans l’Olympe.
Amant d’Aphrodite, mariée à son frère Héphaïstos, cet Arès avait chargé
Electryon de le réveiller avant le lever du jour ; mais le gardien s’était
endormi, si bien que le Soleil surprit les deux amants et avertit Héphaïstos
qui les emprisonna dans un filet pour en faire la risée de l’Olympe. Il
transforma aussi Electryon en coq, tenu de chanter au lever du jour jusqu’à la
fin des temps.
12. Capture et
enlèvement de Cerbère aux Enfers.
La dernière et la plus périlleuse mission
d’Héraclès, pour laquelle il fut aidé par
Athéna et
Hermès, l’obligea à redescendre
dans le royaume des ombres, d’où jamais aucun mortel n’était revenu : le
monstre Cerbère (fils de Typhon et Echnida, frère de Chimère, de
l’Hydre de
Lerne, du
Lion de Némée…), énorme chien tricéphale à queue de dragon dont
l’échine était hérissée de serpents, laissait entrer les vivants moyennant un
gâteau de miel, mais empêchait les morts de sortir, gardant la rive du Styx
opposée à celle où s’amarrait la barque de
Charon. Hadès s’opposa à
l’entrée d’Héraclès aux Enfers, puis blessé d’une flèche à l’épaule accepta
qu’il affronte Cerbère, mais sans ses armes : le héros étouffa le monstre
de ses mains nues. Il profita de ce voyage pour délivrer
Thésée,
immobilisé depuis des années sur la chaise de l’oubli par Hadès pour le punir
d’avoir voulu enlever Perséphone. Il rencontra les ombres de multiples défunts,
dont celle de
Méléagre à qui il promis d’épouser sa sœur Déjanire. On
s’étonne qu’Héraclès n’ait pas profité de son séjour pour violer la gironde
Perséphone après lui avoir remis son viatique, un rameau d’or…Transporté vivant
mais ligoté en Argolide, le chien Cerbère aux trois têtes épouvanta Eurystée qui
le fit aussitôt renvoyer à la porte des Enfers. Héraclès remonta des Enfers
sur le quadrige de Niké-Athéna, la Victoire, guidé par
Hermès Psychopompe. Pour
certains, il aurait rencontré avant sa descente Eumolpe le Rhapsode, qui
l’initia aux mystères d’Eleusis, mystères de l’au-delà ; une ambiguïté
veut qu’Eumolpe (mais est-ce le même ?) ait été son maître de musique
dans sa jeunesse. Apollodore
le Mythographe consacra un livre entier de sa « Bibliothèque », supposée
avoir été écrite 200 ans avant Jésus-Christ, au résumé des douze travaux. Au
fil du temps, nombre d’artistes (peintres, dessinateurs, sculpteurs, mosaïstes)
célèbres ou inconnus récapitulèrent en les illustrant les douze travaux :
métopes du temple de Zeus à Olympie, mosaïques de Valencia, de Meknès
(Volubilis) et de
Maaret al-Nouman en
Syrie, toiles de Francisco Zurbaran,
Gustave Moreau, statues de Giambologna, Vincenzo De’ Rossi…, burins de Heinrich
Aldegrever.