" Traité de l'art des accouchements ".
Par Pr. S Tarnier** et Pr. P Budin
Tome 3,
G. Steinheil, Libraire-Editeur
Paris, 1898

Neuvième section

Dystocie
Déformations du bassin par excès de malléabilité



Pelvimétrie

Pelvimétrie.
— La mensuration des diamètres du bassin porte le nom de pelvimétrie.

Ce mode d'exploration est dit manuel ou instrumental, selon qu'il est pratiqué avec la main seule, ou à l'aide d'instruments particuliers nommés pelvimètres, ainsi que nous l'avons déjà dit.

On distingue la pelvimétrie en externe, interne et mixte ; on l'appelle pelvimétrie externe, quand on l'emploie à l'extérieur du bassin ; pelvimétrie interne, si la mensuration est faite dans l'excavation pelvienne ; pelvimétrie mixte, lorsqu'on mesure la distance qui existe entre deux points de repère osseux, dont l'un est à l'extérieur du bassin, et dont l'autre est situé dans l'excavation pelvienne.

A la pelvimétrie vient s'ajouter la recherche clinique de la configuration et de la capacité du bassin, ainsi que l'étude de la direction variable que la ceinture pelvienne peut affecter avec les segments du squelette qui lui sont adjacents.

On présumera, tout d'abord, que le bassin est bien conformé, toutes les fois que dans l'examen pratiqué sur la femme debout, on constatera que les hanches dessinent une saillie régulièrement arrondie, qu'elles affleurent la verticale tombant des épaules, et qu'elles débordent en dehors le périmètre de la base du thorax ; lorsque la région pubienne ne paraît ni trop plate, ni trop convexe ; lorsque le sacrum dessine sous la peau une convexité régulière, et lorsque, au-dessus du bassin, l'ensellure lombaire offre un degré normal de cambrure.

M. J. Weber avait tenté d'établir un rapport entre les dimensions de la tête et celles du bassin. Nous ne ferions pas mention de cette conception, dont l'erreur n'est plus à démontrer, si Mme Lachapelle et Velpeau n'y avaient attaché quelque crédit.

En faisant marcher la femme rachitique, on constate qu'elle se meut en exagérant le balancement latéral qui différencie naturellement la marche de la femme de celle de l'homme; l'allure revêt ce caractère particulier par suite de l'écartement des deux grands trochanters, et cet écartement est lié, d'une part, à l'élargissement du bassin en travers, et dépend, d'autre part, de ce que le col du fémur, au lieu de se détacher de la diaphyse sous un angle obtus, forme avec celle-ci un angle presque droit.

On apprécie le volume du pelvis en saisissant à pleines mains, d'un côté à l'autre, les parois du grand bassin ; on se rend compte ainsi du degré du développement des os en étendue et en épaisseur, du rejet des ailes iliaques en bas et en dehors, et de la disparition de la sinuosité des crêtes iliaques. A travers les téguments, on peut encore suivre du doigt le relief postérieur du sacrum, et étudier la courbure, la hauteur et la direction de cet os. On reconnaît de même, par le palper, la hauteur et l'inclinaison de la symphyse pubienne, ainsi que le degré d'écartement des branches ischio-pubiennes.

Nous avons vu que le bassin rachitique offrait une inclinaison variable, et qu'il se trouvait tantôt normalement dirigé par rapport à l'horizon, et tantôt antéversé ou rétroversé.

Quand il y a antéversion, on observe au-dessus de la base du sacrum une dépression des téguments en forme de fossette ; en même temps l'ensellure lombaire se montre très accusée, et la direction générale du sacrum se rapproche de l'horizontale quand la femme est debout. L'écartement des fesses à leur partie inférieure, dû à l'évasement en sens transversal du détroit inférieur, met à découvert la région anale, et laisse parfois apercevoir la commissure postérieure de la vulve.

Au contraire, lorsqu'il y a rétroversion du bassin, le segment lombaire du rachis et la base du sacrum occupent l'un et l'autre une direction à peu près verticale; la colonne vertébrale tombe à pic sur la paroi postérieure du bassin, et la cambrure lombaire fait défaut. — Le thorax semble anormalement rapproché du bassin ; en pareil cas, la taille est courte et large.

Pour mesurer l'angle d'inclinaison du bassin sur l'horizon, on a imaginé des instruments, compliqués dans leur facture et dans leur maniement, nommés cliséomètres. La difficulté de leur application sur les repères osseux, à travers les parties molles, ne permet pas d'en faire une application clinique courante; aussi n'en ferons-nous pas plus ample mention. Cependant Tarnier a montré dans son cours à la Faculté, un cliséomètre ou sacro-cliséomètre très simple, qu'il a fait construire dans le but de démontrer les oscillations que subit l'inclinaison du bassin dans les divers changements d'attitude du corps ; l'emploi de ce petit appareil repose sur ce principe, énoncé par Parow, que l'inclinaison du sacrum reflète assez exactement l'inclinaison générale du bassin. Cet instrument est formé d'une petite planchette quadrangulaire dont l'un des bords se trouve excavé suivant une courbure un peu plus accusée que la courbure moyenne du sacrum, de façon à pouvoir s'adapter dans tous les cas à la face postérieure du bassin (fig. 29).

Sacro-clisomètre de Tarnier

La femme étant debout, la planchette est appliquée, par son bord excavé, sur la face postérieure du sacrum qu'elle touche en haut et en bas : un fil à plomb, attaché au milieu de son bord, supérieur tombe verdicalement en frôlant le bord inférieur ; celui-ci est gradué en centimètres, et porte un repère répondant au point par lequel passe le fil à plomb quand le bassin est incliné à 60°, et se trouve, par conséquent, dans l'attitude régulière propre à la station debout. Si le bassin est dévié en antéversion, la planchette perd sa direction normale et le fil à plomb se rapproche du sacrum. Dans le cas de rétroversion, au contraire, le sacro-cliséomètre s'incline en sens inverse, et le fil à plomb s'éloigne de la paroi postérieure du bassin.

Il est important de déterminer, à travers les parties molles, les rapports que la base du sacrum affecte en arrière, d'une part, avec les tubérosités iliaques, d'autre part, avec la partie terminale de la colonne lombaire. Chez les femmes maigres, on arrive assez aisément à sentir sous la peau le relief des épines iliaques postéro-supérieures ; la saillie de ces points osseux se montre d'autant plus accusée, chez les rachitiques, que la base du sacrum se trouve plus repoussée en avant.. Entre ces épines et la base du sacrum, les téguments sont quelquefois creusés de deux fossettes ; quand le bassin est bien conformé,l'apophyse épineuse de la cinquième lombaire répond, par son sommet, à une troisième fossetté sus-sacrée, dont nous avons parlé plus haut, et qui occupe un niveau situé à 4 ou 5 centim. au-dessus d'une ligne reliant les deux fossettes latérales. Cette distance reste sensiblement la même quand le bassin, vicié par le rachitisme, possède un promontoire élevé ; mais lorsque le promontoire est bas, comme c'est le cas le plus fréquent, l'apophyse de la cinquième lombaire se trouve abaissée au niveau de la ligne menée d'une épine iliaque postérieure et supérieure àl'autre, et parfois même descend jusqu'à tomber au-dessous de cette ligne.

Les trois lignes reliant entre eux les repères osseux que nous venons d'indiquer, figurent, par leur intersection, un triangle dont la disposition permet de préjuger presque à coup sûr si le bassin est symétrique ou asymétrique. Lorsque ce triangle est de forme isocèle ou équilatérale, le bassin est symétrique; lorsqu'il y a asymétrie pelvienne, les deux bords latéraux du triangle sont inégaux, et celui-ci prend alors la figure d'un scalène. Dans le cas où l'épaisseur des parties molles empêche de sentir nettement l'apophyse de la cinquième lombaire, on choisit comme point de repère, pour tracer le triangle sus-sacré, le sommet de l'apophyse épineuse de la quatrième ou de la troisième lombaire.

La ligne qui relie les deux épines postéro-supérieures, forme la base d'un second triangle, opposé au précédent, dont le sommet, dirigé en bas, répond au point d'adossement des deux fesses. L'union de ces deux triangles ayant une base commune, constitue le losange de Michaëlis.

Pelvimétrie externe.
— La pelvimétrie externe, proprement dite, a pour objet la mensuration directe des diamètres externes du bassin, et l'appréciation médiate de l'étendue de certains diamètres internes ; on calcule la dimension de ces derniers en défalquant de la longueur des diamètres externes, directement mesurés, l'épaisseur présumée des parois pelviennes (os et parties molles).

Cette mensuration s'effectue soit à l'aide du ruban métrique, quand on opère sur des surfaces planes, soit à l'aide d'un compas, ce qui est préférable, parce qu'il peut s'appliquer en toutes directions malgré le relief des parties.
Avec quelque habitude et sans faire usage d'instrument, en portant un doigt de chaque main sur des repères symétriques et diamétralement opposés, choisis sur la surface externe du bassin, tels que les épines iliaques antéro-supérieures ou le milieu des deux crêtes iliaques, on arrive à se rendre un compte approximatif de l'étendue du bassin en largeur ; mais cette évaluation à simple vue comporte de grands risques d'erreur, aussi vaut-il mieux substituer aux doigts les extrémités d'un compas gradué.

Sans énumérer tous les types d'instruments destinés à la pelvimétrie externe, on peut dire qu'ils ne sont pour la plupart que des dérivés du compas d'épaisseur de Baudelocque. Celui-ci est un compas courbe, dont les branches se rejoignent en formant une circonférence parfaite ; cette circonférence est ouverte en haut pour s'adapter aux objets qu'il s'agit de mesurer, et porte au point diamétralement opposé une tige graduée, fixée à l'une des branches; cette tige s'enfonce et glisse dans une mortaise forée sur le plat de l'autre branche, à mesure que l'on ouvre ou que l'on ferme le compas (fig. 30).

Compas de Baudelocque

Osiander, Depaul et plus récemment Budin, ont modifié cet instrument.

Nous nous servons habituellement du compas de ce dernier auteur, bien qu'il ait été primitivement construit dans le but de recueillir les mensurations de la tête du foetus, et qu'il ait reçu le nom de céphalomètre (Fig. 31).

Céphalomètre de Budin
La variabilité d'épaisseur des parties molles, et les difficultés que l'on rencontre soit pour déterminer le siège des repères osseux, soit pour fixer les boutons du pelvimètre à leur niveau, faussent souvent les résultats de la pelvimétrie externe relativement à l'appréciation exacte de la capacité du bassin.

En imaginant ce procédé d'exploration, Baudelocque avait surtout en vue la mensuration du diamètre antéro-postérieur du détroit supérieur. Mais si, de toutes les recherches que l'on poursuit à l'aide de la pelvimétrie en général, cette mesure est la plus importante à recueillir, on peut dire aussi qu'elle est la moins précise en ce qui regarde la pelvimétrie externe. Le diamètre de Baudelocque, ou conjugué externe des auteurs allemands, part du point du pénil qui correspond au sommet de la symphyse pubienne, et se termine à la fossette médiane qui marque le sommet de l'apophyse de la cinquième lombaire (un peu au-dessous de l'épine de la dernière vertèbre lombaire, dit Baudelocque, 7e édition, t. I, p. 78). Sur un bassin bien conformé, l'étendue de ce diamètre externe doit être de 19 centim., en chiffres ronds, dont il faut défalquer 81 millim. qui se répartissent ainsi : 68 millim. pour l'épaisseur du sacrum, et 13 millim. pour celle du pubis. Chez les femmes grasses ce diamètre dépasse 19 centim. et se trouve augmenté de quelques millimètres. De ce chiffre (19 centim.), Baudelocque retranchait donc 81 millim. chez les femmes maigres, et de 83 millim. à 86 millim. chez les femmes grasses (8 centim. et demi en chiffres ronds). Mais Litzmann a montré qu'on pouvait commettre une erreur de 4 centimètres et demi, en calculant ainsi, par déduction, la longueur du diamètre promonto-pubien, et que dans plus de la moitié des faits où la longueur du conjugué externe oscille entre 19 et 21,5, indiquant ainsi, d'après Baudelocque, une capacité normale du bassin d'avant en arrière, il existe en réalité un aplatissement marqué du détroit supérieur.
C'est donc un procédé d'investigation des plus infidèles, tout au plus utile pour indiquer l'existence d'un rétrécissement dans certains cas spéciaux, ceux dans lesquels l'écartement des deux branches du compas est notablement inférieur à 19 centim.

Quand les circonstances le permettent, c'est-à-dire lorsque la paroi abdominale est souple et peu épaisse, on arrive parfois à la déprimer assez fortement pour arriver à porter directement l'un des boutons du pelvimètre au contact du promontoire, et en même temps à fixer l'autre sur la saillie rétro-pubienne; pour cela, on refoule et on déprime les parties molles au-devant des doigts qui conduisent les branches de l'instrument. On peut aussi effectuer cette mensuration à l'aide de l'index, dont la pulpe est portée au contact du promontoire en refoulant les parois abdominales, tandis que le bord radial du doigt est appuyé sur le sommet de la symphyse pubienne (Bandl) (voir plus loin pelvimétrie digitale interne). Cette mensuration externe n'est guère praticable que pendant les suites de couches, par conséquent à un moment où la pelvimétrie vient de perdre tout intérêt pratique immédiat. Tout au plus ce procédé mérite-t-il d'être employé à titre de preuve, dans le but de vérifier les données antérieurement fournies par la pelvimétrie digitale interne.

On a également cherché à évaluer les dimensions du diamètre transverse obstétrical du détroit supérieur au moyen de la pelvimétrie externe. Un premier procédé consiste à mesurer l'écartement des deux trochanters, et à retrancher du chiffre indiqué par le compas 15 centimètres, comme représentant l'épaisseur des deux parois latérales du bassin, y compris celle des deux épiphyses fémorales. On retrouve ici les mêmes causes d'erreur que pour la mensuration du diamètre de Baudelocque.

Un second procédé, préconisé par Kehrer, consiste à déduire l'étendue du diamètre obstétrical de celle du diamètre bis-ilio-pectiné. Il suffirait, suivant cet auteur, d'ajouter 13 millim. à la dimension de ce diamètre transverse antérieur, dont les repères sont aisément accessibles à travers les téguments inguinaux, pour obtenir celle du transverse obstétrical.

La pelvimétrie externe ne fournit, en somme, des renseignements de quelque valeur, que lorsqu'elle porte sur les parois du grand bassin, c'est-à-dire quand elle est appliquée sur une région où les points de repère osseux sont très superficiels, par conséquent faciles à déterminer. Elle permet de préjuger de l'existence du rachitisme, lorsqu'elle indique une diminution dans le rapport des chiffres qui, à l'état normal, indiquent en centimètres l'étendue respective des deux diamètres bis-iliaque médian (28 centim.) et bis-épineux antérieur (24 centim.). Sur le bassin rachitique, par suite du déjettement en bas et en dehors des deux ailes iliaques, ces deux diamètres tendent à devenir égaux . Cette même mensuration fournit un signe de grande probabilité en faveur de l'existence d'un bassin rachitique généralement rétréci, lorsque les deux diamètres en question se trouvent simultanément et notablement diminués d'étendue.

La mensuration externe des diamètres obliques du grand bassin peut servir à évaluer le degré de l'asymétrie pelvienne, liée soit à une déviation scoliotique basse du rachis, soit à une inégalité de longueur des deux membres abdominaux, ou encore à un arrêt de développement unilatéral des parois du bassin (voir Bassin oblique ovalaire).

Pelvimétrie mixte.
— La pelvimétrie mixte consiste à mesurer, à l'aide d'un compas, l'étendue de certains diamètres internes du bassin, en comprenant dans la mensuration l'épaisseur de l'une des deux parois pelviennes qui répondent aux extrémités du diamètre interne. Comme dans la pelvimétrie externe, ce mode d'examen comporte la défalcation de l'épaisseur de la paroi du bassin saisie dans l'ouverture du compas; il donne toutefois des résultats plus précis que la pelvimétrie externe, en ce que la défalcation se fait, non plus au moyen d'un calcul approximatif, mais par la mensuration directe de l'épaisseur de la paroi pelvienne, en l'effectuant à l'aide des deux branches du compas, dans un temps secondaire de l'examen.

Ainsi, par exemple, si l'on veut connaître l'étendue du diamètre promonto-pubien, on introduit dans le vagin l'extrémité de l'une des branches du compas, et on l'applique sur le milieu du promontoire, tandis que l'extrémité de l'autre branche de ce compas est placée au-devant et en haut du pubis, en un point bien déterminé ; on obtient de cette façon la mesure d'une ligne droite qui irait du promontoire à la partie supérieure et antérieure du pubis. Cela fait, l'extrémité du compas qui avait été appliquée sur l'angle sacro-vertébral, est reportée derrière la partie postérieure du pubis, tandis que la seconde branche du compas demeure là où elle était dans la première mensuration ; l'écartement du compas indique alors l'épaisseur des pubis. On défalque cette épaisseur de la première mesure obtenue, et l'on a l'étendue du diamètre promonto-pubien.

Ce genre de pelvimétrie n'est pas usité dans la pratique courante, car il offre les mêmes inconvénients que ceux que nous objectons plus loin à la pelvimétrie interne instrumentale. Actuellement, cependant, quelques auteurs allemands, Freund, Winkler et Skutsch, en font usage : à cet effet, ils se servent de pelvimètres à tiges souples, construits en métal malléable ; nous ferons remarquer à ce propos que Tarnier, en 1869 (thèse de Stanesco, Paris, 1869, p. 74), avait déjà imaginé d'appliquer l'emploi des tiges métalliques malléables à la pelvimétrie mixte.

Pelvimétrie interne.
— Dans la pelvimétrie interne, on obtient les dimensions des diamètres pelviens en portant directement d'une extrémité à l'autre du diamètre recherché, soit un pelvimètre, soit simplement le doigt.

Ce mode d'investigation l'emporte de beaucoup sur la pelvimétrie externe ou mixte; il donne seul la notion certaine de l'existence et du degré des malformations du bassin. Aussi constitue-t-il un temps obligatoire de tout examen obstétrical, temps qu'on ne saurait négliger sans tort, sauf dans le cas où l'engagement profond de la présentation foetale le rend à la fois inutile ou impraticable. Nombre de rétrécissements du bassin pourraient passer inaperçus, par suite du silence des commémoratifs ou de l'absence de stigmates de rachitisme apparents sur le reste du squelette, qui sont décelés par le toucher explorateur et par le toucher mensurateur, ainsi que Lenoir les appelle.

A la pelvimètrie interne, on ajoute l'étude digitale de la forme ou topographie de l'excavation pelvienne.

L'objet principal de la pelvimétrie interne, dans le cas de viciation rachitique du bassin, est la mensuration du diamètre antéro-postérieur du détroit supérieur; c'est ce diamètre, dit minimum ou utile, qu'il importe avant tout de connaître pour apprécier le pronostic de l'accouchement, et pour régler la conduite à tenir.
Comme il est impossible d'étendre directement le doigt du sommet du pubis au promontoire, on n'arrive pas à effectuer par voie directe la mensuration de ce diamètre, en faisant usage de la main seule. Aussi, s'est-on efforcé, surtout dans le passé, de créer des pelvimètres capables d'atteindre à la fois, par la voie vaginale, les deux points aboutissants du diamètre promonto-pubien, afin de mesurer in situ la longueur de ce diamètre.

Pelvimétrie instrumentale.
— A priori, la pelvimétrie interne instrumentale semble préférable à la pelvimétrie digitale simple, en ce qu'elle est appelée à donner directement les renseignements que cette dernière ne peut fournir que médiatement, à l'aide d un artifice de calcul. (Voir plus loin.)

Hâtons-nous de dire que cet avantage n'est que théorique, et que la supériorité de la pelvimétrie instrumentale disparaît devant les difficultés de la mise en pratique que celle-ci comporte. Aussi ne voulons nous faire qu'un exposé très bref des instruments dont on peut faire usage pour mesurer le bassin par la voie vaginale.

Ces pelvimêtres sont, pour la plupart, des instruments compliqués : leur application est douloureuse, et constitue une véritable petite opération obstétricale, comportant tous les risques qu'entraînent l'introduction et le maniement de corps étrangers à l'intérieur des voies génitales, chez la femme enceinte ou parturiente ; de plus, elle est incertaine, car il est presque impossible de fixer sûrement l'extrémité des branches de ces instruments sur les points de repère où doivent aboutir les diamètres à mesurer.

Nombreux sont les pelvimètres imaginés depuis cent ans : les uns ont pour but de suppléer complètement le doigt dans la mensuration du diamètre antéro-postérieur du détroit supérieur ; les autres sont destinés à accompagner l'index en lui fournissant une sorte d'armature graduée. On en trouve les figures dans l' Armamentarium Lucinœ novum (Kilian, 1856), et dans l'atlas de Lenoir, Sée et Tarnier. Nous ne mentionnerons ici que les types principaux.

Le plus ancien en date est le premier pelvimètre de Stein (petit pelvimètre ou pelvimètre simple)
(fig. 32).

Premier pelvimètre de Stein

Il consiste en une tige de bois dont l'extrémité mousse est destinée à être fixée sur le promontoire. Cette tige est graduée sur toute sa longueur, et elle est munie d'un curseur qui doit s'arrêter au contact du ligament sous-pubien. Il indique seulement .la longueur du diamètre pro-monto-sous-pubien.

Le même auteur imagina ensuite une pince dont les branches viennent prendre place aux extrémités du diamètre à mesurer (pelvimètre composé). Une tige graduée, reliée aux deux branches, permet de lire leur degré d'écartement (fig. 33 FIG.

Second pelvimètre de Stein (pelvimètre composé)
Le pelvimètre de Coutouly (appréciateur du bassin) rappelle par sa disposition l'instrument dont les cordonniers font usage pour mesurer la longueur du pied. Ses deux branches, emboîtées rune sur l'autre, sont toutes les deux munies à l'une de leurs extrémités d'un ajutage coudé ayant la forme d'une spatule (fig. 34).

Appréciateur du bassin, de Coutouly
On fixe sur le promontoire le prolongement vertical de la branche engainante ; puis, on attire d'arrière en avant la seconde branche qui glisse à l'intérieur de la précédente, et qui est munie d'une graduation, jusqu'à ce que sa portion coudée vienne buter contre la face postérieure des pubis. Le degré d'écartement des deux spatules est indiqué sur la branche graduée ; il donne l'étendue du diamètre promonto-pubien minimum.

Mme Boivin a imaginé un compas d'épaisseur offrant l'avantage de pouvoir s'appliquer à l'intérieur du petit bassin dans le cas où l'hymen a conservé son intégrité (fig. 35).

Intro-pelvimètre, de Mme Boivin
L'une des branches de ce compas est introduite dans le vagin et vient prendre appui sur la face postérieure du pubis ; l'autre branche pénètre dans le bassin, en glissant dans le rectum, jusqu'à ce qu'elle arrive au contact du promontoire. Mme Boivin, dans le mémoire où elle décrit son intro-pelvimètre, ajoute qu'il pourrait être employé comme céphalomètre pour mesurer la tête pendant l'accouchement.

Le type le plus connu des instruments destinés à la pelvimétrie mixte nous est fourni par le pelvimètre de Van Huevel (fig. 36).

Pelvimètre mixte de Van Huevel
Il comporte un mode d'application plus compliqué que les pelvimètres précédents, mais il semble appelé à donner des renseignements plus précis que ceux-ci. Il se compose de deux branches articulées en forme de compas l'une d'elles A, introduite dans le vagin, est fixée sur le promontoire, tandis que l'autre B, glissant à la façon d'un curseur sur la première, est amenée sur le haut de la face antérieure du pénil, et y prend contact par une vis C. On fait une première mensuration comprenant le diamètre promonto-pubien, plus l'épaisseur du pubis et des parties molles qui tapissent celui-ci. Le chiffre obtenu se lit sur un cercle gradué attenant à l'instrument (fig. 37).

Applicateur du pelvimètre de Van Huevel
Dans un second temps, on mobilise d'arrière en avant la branche interne primitivement placée sur le promontoire, sans déranger la branche extérieure fixée sur le pénil; quand la première, ramenée d'arrière en avant, vient buter contre la face postérieure des pubis, le cercle gradué indique l'épaisseur de l'arc antérieur du bassin. Un simple calcul de soustraction donne l'étendue du diamètre promonto-pubien.

Le pelvimètre de Crouzat (fig. 38)

Le pelvimètre de Crouzat

est construit sur le type de l'instrument de Coutouly ; il se compose de deux tiges engainées, glissant l'une sur l'autre, dont les deux extrémités prennent respectivement appui sur le promontoire et sur le point saillant rétro-pubien. La tige engainante est graduée; elle se termine par un doigtier destiné à s'adapter sur l'ongle, tout en laissant à nu la pulpe du doigt. L'index conserve ainsi toute sa sensibilité de tact nécessaire pour bien se mettre en contact avec le relief du promontoire. L'autre tige joue le rôle d'un curseur ; elle est surmontée d'un arc métallique, dont il existe deux modèles de longueur différente. On se sert de l'un ou de l'autre de ces deux arcs, selon le degré de hauteur de la symphyse des pubis. Pour appliquer l'instrument, on commence par mettre l'arc du curseur en contact avec la face postérieure des pubis ; on enfonce ensuite l'index coiffé du doigtier, jusqu'à ce que son extrémité atteigne le promontoire. On n'a plus qu'à lire, sur la tige graduée, la dimension du diamètre promonto-pubien minimum.

Tout récemment (Ann. de Gyn., mai-juin 1894) M. Farabeuf a donné la description d'un pelvimètre qui n'est pas sans quelque analogie avec celui de Crouzat, dont il diffère moins par la forme que par le mode d'application de sa tige rétro-pubienne : au lieu d'introduire celle-ci dans le vagin, et de la placer, par la voie vaginale, au contact médiat du point saillant rétro-pubien, M. Farabeuf introduit cette tige, à laquelle il donne le nom de sonde-équerre vésicale, dans le canal de l'urèthre ; une fois dans la vessie, cette sonde-équerre est amenée en contact tangentiel avec le point terminal antérieur du diamètre promonto-pubien minimum.

Pelvimétrie digitale.
— Quel que soit le degré d'exactitude attribué par les inventeurs des pelvimètres aux mensurations instrumentales, il suffit et il est préférable, pour les besoins de la pratique courante, de faire usage du doigt nu comme pelvimètre. Ce qu'on pourrait peut-être perdre en précision dans les mesures ainsi obtenues, se trouve largement compensé par la simplicité de l'opération. La pelvimétrie digitale est facile à exécuter pour l'accoucheur, et aisée à supporter pour la femme. Avec le doigt, on n'a pas à craindre de perdre le contact des points de repère qui marquent les aboutissants du diamètre dont on recherche l'étendue.

On ne doit pas oublier, en outre, que si la dimension du diamètre minimum du détroit supérieur constitue la notion capitale à acquérir, on ne saurait se contenter de cette seule donnée pour prévoir et prévenir les difficultés de l'accouchement. La forme et la largeur du bassin, le degré d'élévation ou d'abaissement du promontoire, l'existence de faux promontoires, les variétés de hauteur et d'inclinaison des pubis, sont autant de renseignements que le doigt, à l'exclusion de toute espèce d'instrument, est seul susceptible d'acquérir. C'est donc avec grande raison qu'on a pu dire que le doigt constituait le meilleur des pelvimètres.

Dans la pelvimétrie digitale, on calcule la longueur du diamètre promonto-pubien minimum d'après celle du diamètre promonto-sous-pubien, et celui-ci est toujours facile à mesurer directement sur les bassins viciés par le rachitisme. Pour effectuer ce calcul, on a recherché le rapport d'étendue qui existe entre ces deux diamètres. L'un et l'autre ont pour point de départ commun, le promontoire, mais ils divergent en se dirigeant vers l'arc antérieur du bassin : le premier tombe soit au sommet du pubis, soit, le plus souvent, sur la saillie osseuse rétro-pubienne ; l'autre aboutit d'une façon immuable au bord tranchant du ligament triangulaire. Les deux lignes droites figurant ces diamètres, et menées à partir du promontoire, forment ainsi un triangle dont le pubis constitue la base (fig. 39, 40 et 41).

L'inclinaison des pubis et l'élévation du promontoire au-dessus du plan horizontal sous-pubien, donnent à ce triangle la forme d'un triangle rectangle ou d'un triangle scalène, dont le grand côté correspond au diamètre promonto-sous-pubien. Abstraction faite des anomalies dues à une exagération extrême dans l'inclinaison ou dans la hauteur de la symphyse pubienne, on peut considérer que la différence qui existe entre la longueur du diamètre minimum et celle du diamètre promonto-sous-pubien, reste sensiblement la même dans la majorité des cas que l'on rencontre en clinique.

Tandis que Velpeau défalquait un centimètre de la longueur du diamètre promonto-sous-pubien pour obtenir celle du diamètre minimum, que P. Dubois et Cazeaux retranchaient de 9 à 11 millimètres pour un grand bassin, et de 6 à 9 pour un petit, que Maygrier, Michaëlis et Litzmann déduisaient 18 millimètres, le plus grand nombre des accoucheurs actuels, après Baudelocque, Capuron, Désormeaux, etc., estiment que la différence moyenne doit être fixée à 15 millimètres. Tarnier (cours professé à la Faculté de médecine en 1887) est arrivé à ce dernier chiffre, 'après avoir mesuré un grand nombre de bassins rachitiques pris dans les divers musées de Paris, ainsi que ceux qui sont figurés dans la thèse inaugurale de Pinard; toutefois, il ne s'agit là que d'un chiffre moyen, car il résulte des recherches de Tarnier qu'il convient, pour apprécier avec le plus de justesse possible le rapport des deux diamètres, de diviser les bassins en cinq catégories :
1° Dans les bassins qui mesurent moins de 6 centimètres de diamètre pro-monto-sous-pubien, on doit retrancher 1 centimètre, avec erreur possible de 5 millimètres au maximum.
2° Dans les bassins dont le diamètre promonto-sous-pubien se trouve compris entre 6 et 8 centimètres, il faut retrancher 15 millimètres.
3° Dans les bassins offrant un diamètre promonto-sous-pubien de 8 centimètres à 8 centimètres et demi, retrancher 20 millimètres.
4° Dans les bassins ayant un diamètre promonto-sous-pubien de 8 centimètres et demi à 10 centimètres, retrancher 15 millimètres.
5° Dans les bassins de plus de 10 centimètres dans leur diamètre promonto-sous-pubien, retrancher 15 à 20 millimètres.

Litzmann avait déjà fait remarquer que la déduction à faire, pouvait varier d'un cas à l'autre de 10 à 29 millimètres. Ces différences se trouvent sous la dépendance de la diversité de forme que peut affecter le triangle promonto-pubien (Van Iluevel). L'angle formé par le diamètre promonto-pubien avec l'axe du pubis est en moyenne de 95° (Delore), et le triangle est très légèrement scalène; c'est la disposition la plus commune sur le bassin bien conformé et sur le bassin rachitique (fig. 39).



Mais la forme scalène devient exagérée, et la différence de longueur entre les deux diamètres partant du promontoire est très grande, lorsque ce dernier est relativement élevé et que la symphyse pubienne est peu inclinée et se rapproche de la verticale (fig. 40).



Si le promontoire est bas, et si en même temps la symphyse pubienne est presque horizontalement dirigée de haut en bas et d'avant en arrière, le triangle devient isocèle (fig. 41). Dans cette dernière disposition, le diamètre promonto-sous-pubien présente la même longueur que le diamètre promonto-rétro- pubien.

Ce serait donc s'exposer à des erreurs très préjudiciables que de s'en tenir systématiquement au chiffre moyen de 15 millimètres, comme mesure de défalcation à retrancher uniformément du diamètre promonto-sous-pubien, pour obtenir la dimension minima du détroit supérieur, d'avant en arrière. Aussi doit-on s'attacher à reconnaître quelle est, pour chaque bassin, la forme du triangle promonto-pubien , pour cela, il faut étudier du doigt les éléments de déformation du bassin qui dépendent : 1° de la situation et du degré d'élévation du promontoire par rapport au bord supérieur du pubis ; 2° de l'épaisseur du fibro-cartilage sacro-vertébral ; 3° du mode de saillie de l'articulation sacro-vertébrale et de la face postérieure des pubis; 4° enfin du degré d'inclinaison et de hauteur de la symphyse pubienne.

On procède au toucher mensurateur (Lenoir) avec les précautions usitées pour le toucher explorateur du vagin.
Il importe de vider au préalable la vessie et le rectum. La réplétion de ce dernier organe pourrait masquer le promontoire, et il n'est pas rare de voir un doigt peu expérimenté confondre un amas de scybales avec le relief de l'articulation sacro-vertébrale.

L'attitude à faire prendre à la femme pour effectuer la pelvimétrie interne n'est pas indifférente : le déplacement des membres inférieurs, entraînant la mise en jeu des articulations sacro-iliaques, retentit sur la forme et sur les dimensions du détroit supérieur. Dans l'attitude assise, le diamètre promonto-pubien se raccourcit d'environ 5 millim. (M. Duncan). Il en est de même dans la posture de la taille périnéale, ou dans l'attitude obstétricale exagérée, et le promontoire est alors beaucoup plus facilement accessible au doigt. Au contraire, l'extension aussi complète que possible des cuisses avec rejet du tronc en arrière, attitude que l'on obtient lorsqu'on place le siège sur le bord d'une table, le dos reposant sur celle-ci et les membres inférieurs pendants (Crouzat), détermine un mouvement de bascule du sacrum qui se traduit par une rétropulsion de la base de l'os, et le diamètre antéro-postérieur du détroit supérieur se trouve agrandi.

De l'attitude assise à celle des membres pelviens pendants au bord d'une table ou d'un lit, la longueur du diamètre promonto-pubien peut varier de 7 millimètres (Crouzat). Cette dernière posture est considérée par Walcher comme favorisant l'accouchement, quand le bassin est rétréci.

Pour recueillir la dimension exacte du diamètre minimum, il importe d'éviter l'une et l'autre des deux attitudes forcées que nous venons d'indiquer ; il convient donc de placer la femme dans le décubitus dorsal, c'est-à-dire dans la posture qu'elle prend d'elle-même, au moment où va se faire l'expulsion du foetus. On maintient la tête légèrement fléchie sur le thorax, et les jambes à demi pliées sur les cuisses ; les membres inférieurs sont, en outre, portés en abduction modérée. Le bassin est soulevé par les mains d'un aide, ou mieux par les poings de la femme ; celle-ci, grâce à cette dernière disposition, ayant le siêge appuyé sur ses mains, est mise hors d'état d'opposer des mouvements instinctifs de défense qui pourraient gêner l'accoucheur dans son investigation.

Pour pratiquer le toucher on peut se servir soit de l'index seul, soit de l'index réuni au médius ; nous préférons, pour notre part, recourir, autant que possible, à la première de ces deux manières de faire. L'introduction profonde des deux doigts est plus douloureuse que celle de l'index seul ; en outre, les deux doigts en jouant le rôle d'une attelle vis-à-vis l'un de l'autre, perdent une grande partie de leur liberté dans les mouvements de circumduction qu'ils exécutent à partir des articulations métacarpo-phalangiennes.

Il est cependant des cas où l'on ne peut se dispenser de recourir à l'emploi des deux doigts pour la pelvimétrie. Ce sont ceux dans lesquels il est nécessaire de déployer quelque effort pour atteindre le promontoire ; lorsque, par exemple, il faut soulever la partie foetale amorcée à l'entrée du bassin, déprimer un plancher périnéal doué d'une trop grande tonicité, ou encore quand on se trouve en présence d'un bassin vicié dont le promontoire est très haut situé.

L'index bien étendu, mais non raidi, est introduit doucement dans le vagin, de bas en haut (fig. 42).

Toucher vaginal mensurateur
Si l'on est placé sur le côté du lit où repose la femme, on prend soin d'incliner en bas et en avant l'épaule correspondant à la main qui pratique le toucher, afin d'imprimer au doigt la bonne direction dans le plan médian; de cette façon, l'avant-bras se trouve dans le prolongement de l'axe de la vulve, et on évite de faire dévier le doigt latéralement. En abaissant fortement le coude sur le plan du lit, on s'oriente convenablement de bas en haut, et on ne court pas le risque de se perdre dans la concavité du sacrun.

En pratiquant le toucher unidigital, on ne doit jamais atteindre le promontoire lorsque le bassin est bien conformé, même en enfonçant le doigt aussi profondément que possible ; à ce point de vue, toutefois, une cause d'erreur est à éviter : quand on a affaire à une multipare dont les tissus ont été ramollis par de nombreux accouchements, il peut arriver que le plancher périnéal se laisse très facilement refouler de bas en haut par le poing qui fait suite à l'index mensurateur, et alors l'extrémité du doigt atteint le promontoire sans que pour cela la dimension du diamètre promonto-sous-pubien soit inférieure à la normale.

Assez souvent, ce n'est pas sans quelque difficulté que l'on parvient à reconnaître, de prime abord, le siège précis du promontoire vrai ; si, lorsque le bassin est bien conformé, l'angle sacro-vertébral constitue la seule saillie qui fasse un relief à la partie supérieure de l'excavation pelvienne, il n'en est pas toujours ainsi quand il s'agit d'un bassin rachitique. Dans certains cas, en effet, le doigt promené de haut en bas, ou de bas en haut, rencontre plusieurs interstices vertébraux à bordures saillantes, et semblables entre eux. Tantôt c'est le sacrum, dont la face antérieure est devenue convexe, qui se trouve sillonné d'arêtes transversales bordant les interstices intervertébraux sacrés anormalement élargis; il s'agit en ce cas de faux promontoires sacrés. Tantôt ce sont les vertèbres lombaires, dont les corps sont déviés en avant par une lordose exagérée, et qui forment au niveau de leurs lignes de jonction une série de faux promontoires sus-sacrés.

Pour distinguer le vrai promontoire des faux promontoires qui lui sont sus ou sous-jacents, il faut rechercher du doigt la saillie la plus proéminente; c'est à elle que répond le plus souvent l'angle sacro-vertébral, mais on n'acquiert ainsi qu'une simple présomption.

Le seul caractère certain auquel on puisse reconnaître qu'on est arrivé sur le promontoire vrai, réside dans la contiguïté ou dans la continuité de direction que le rebord antérieur des ailerons sacrés affecte avec la saillie médiane de ce promontoire (Budin). Pour être à peu près sûr que le doigt est bien sur l'articulation sacro-vertéarale, il suffit donc de porter la pulpe de l'index d'un côté et de l'autre du promontoire présumé, et de rechercher la situation et la direction du rebord mousse des ailerons du sacrum ; si ce rebord est en rapport de continuité ou de contiguïté avec la saillie médiane que l'on a touchée du bout du doigt, il s'agit bien du promontoire vrai. Il faut cependant savoir que dans quelques cas très exceptionnels le rebord des ailerons du sacrum descend jusqu'au niveau de l'articulation des deux premières vertèbres sacrées. Aussi, pour cette recherche, est-il le plus souvent nécessaire de faire usage de deux doigts.

Une fois le promontoire reconnu, on apprécie, en touchant doucement, le relief respectif que font ses deux bordures osseuses articulaires et le bourrelet cartilagineux interposé, de façon à fixer le siège exact du point aboutissant qui doit limiter en arrière le diamètre promonto-pubien minimum.

Dès que l'extrémité de l'index est arrivée au point convenable, on l'y maintient en veillant strictement à ce qu'elle ne subisse pas le moindre glissement ; on relève ensuite le bord radial du doigt, jusqu'à ce qu'il vienne buter contre le bord libre du ligament triangulaire, au niveau duquel est située l'extrémité antérieure du diamètre promonto-sous-pubien.

On éprouve parfois quelque peine à percevoir avec netteté au long de l'index le contact du ligament triangulaire. Outre que la sensibilité tactile est peu développée sur le bord radial du doigt, ce ligament ne forme pas une arête nette, surtout chez la femme enceinte, en raison du ramollissement et de l'infiltration gravidiques qui occupent la symphyse pubienne et les parties molles qui la tapissent. Pour ce même motif, la difficulté devient plus grande encore quand on explore le bassin au cours du travail.

Afin de suppléer à l'insuffisance tactile du bord digital, il est utile, avant de procéder à la mensuration digitale, d'effectuer une exploration préalable du sous-pubis, à l'aide de la pulpe de l'index qui ne sert pas au toucher. Cette extrémité digitale est portée, l'ongle d'abord tourné en bas, sous le bord inférieur du pubis; en ce point elle déprime doucement les parties molles et arrive ainsi à reconnaître la crête ligamenteuse qui doit marquer le point aboutissant du diamètre promonto-sous-pubien. Ce repère une fois déterminé, l'extrémité du même doigt pivote sur place, de telle sorte que le dos de l'ongle regarde en haut et en arrière et appuie contre le vestibule, et que l'extrémité de cet ongle vienne se placer exactement au niveau de l'arête du ligament triangulaire, dont elle ne se trouve séparée que par l'épaisseur de la muqueuse.

A ce moment, comme l'autre index (celui qui a été profondément introduit dans le vagin à la recherche du promontoire) est resté en contact parfait avec le promontoire par l'extrémité de sa phalangette, et avec la partie inférieure des pubis par son bord radial, il en résulte que les deux doigts se rencontrent juste au niveau du bord inférieur du ligament triangulaire ; dès lors une légère pression de l'ongle suffit pour marquer d'une empreinte la peau de l'index mensurateur, là où celui-ci est venu se mettre en contact avec ce ligament.

La distance qui sépare l'extrémité de l'index de la marque tracée par l'ongle, répond exactement au diamètre promonto-sous-pubien, et l'on procède à sa mensuration à l'aide d'un décimètre ou d'un ruban métrique ; il n'y a plus alors qu'à faire la défalcation dont nous avons parlé plus haut.

Cette manière de pratiquer la pelvimétrie du diamètre promonto-sous-pubien donne les résultats les plus précis. Lorsque plusieurs personnes suffisamment exercées pratiquent successivement le toucher mensurateur, elles arrivent à recueillir des mesures parfaitement identiques. Mais dès qu'on s'écarte de la technique que nous avons exposée, on s'expose à tomber dans l'erreur ; c'est pour cela que nous l'avons méticuleusement décrite.

Quand on pratique le toucher mensurateur avec deux doigts accolés, on place l'extrémité du médius sur le promontoire, tandis que le bord radial de l'index est relevé contre le bord inférieur du ligament triangulaire ; alors, avec l'ongle de l'autre index on marque le point de contact entre ce bord radial et ce ligament ; puis, on mesure avec un ruban métrique la distance diagonale qui sépare l'extrémité du médius de la marque laissée par l'ongle.

Sur le bassin rachitique, la mensuration est d'autant plus facile à effectuer, que le rétrécissement est plus accusé. Lorsque le bassin n'est que légèrement vicié, comme cela est le cas le plus fréquent, on arrive bien à atteindre le promontoire du doigt, mais souvent l'angle sacro-vertébral se trouve trop éloigné pour qu'il soit possible de maintenir le doigt à sa surface, et d'accoler en même temps le bord radial de l'index au sous-pubis. On se contente alors de dire que le promontoire est accessible. D'ailleurs, il n'y a pas grand avantage à mesurer le bassin lorsque le diamètre promonto-sous-pubien excède onze centimètres, car avec un si faible degré de viciation pelvienne la dystocie est exceptionnelle.

Une fois le diamètre promonto-sous-pubien connu, on étudie la disposition de la face antérieure du sacrum. On s'assure d'abord de la direction de cette face : si le sacrum a subi une torsion autour de son axe longitudinal, cette face regarde une des moitiés latérales du bassin, ce qui est l'indice d'une viciation asymétrique.

On recherche ensuite si cette face est concave ou convexe, régulièrement courbée ou au contraire coudée, si elle est refoulée en arrière, ou bien projetée en avant.

On fait ainsi le diagnostic de la variété du rétrécissement rachitique au point de vue de son étendue en hauteur : Le sacrum est-il concave sur toute son étendue, on a affaire à un rétrécissement localisé au détroit supérieur. Lorsqu'au contraire la face antérieure de l'os est convexe et saillante en avant, soit tout entière, soit seulement à sa partie supérieure, elle est alors généralement sillonnée de faux promontoires, et l'on se trouve en présence d'un rétrécissement étagé ; dans ce cas, on mesure avec le doigt la distance qui sépare ces faux promontoires du sous-pubis.

Le diamètre promonto-sous-pubien étant connu, pour évaluer la défalcation qui doit donner la longueur du diamètre, promonto-pubien minimum, il est indispensable de tenir compte de la conformation de l'arc antérieur du bassin. Dans ce but, l'index, recourbé en crochet, suit de haut en bas toute la face postérieure de la symphyse, de façon à en reconnaître l'inclinaison, la hauteur et le degré de convexité ; en portant en même temps le pouce sur le pénil on apprécie l'épaisseur de l'arc antérieur du bassin. On conçoit qu'il faudra augmenter ou diminuer le chiffre de la défalcation, selon que la symphyse sera très inclinée en avant et en bas, et que la saillie rétro-pubienne sera très accentuée, ou selon que la disposition du pubis sera inverse de la précédente.

Deux grosses erreurs peuvent faire méconnaître un rétrécissement antéropostérieur du bassin :
1° Lorsque le sacrum est très concave, si on ne porte pas l'extrémité du doigt assez haut, on n'atteint pas le promontoire, et on s'imagine à tort que le bassin n'est pas rétréci ; c'est une faute que commettent habituellement les commençants, et pour l'éviter il suffit de porter le doigt très fortement en haut et en arrière ;
2° D'autres fois le promontoire est abaissé en même temps que repoussé en avant, et, dans ces conditions, si on porte d'emblée l'extrémité du doigt trop fortement en haut et en arrière, on passe par-dessus le promontoire sans le sentir, et l'on se trouve en contact avec la dernière vertèbre lombaire ; on peut méconnaître ainsi un rétrécissement considérable. Pour éviter ces deux grosses erreurs, le mieux est de porter d'abord le doigt directement et fortement en arrière, et de l'incliner ensuite progressivement de bas en haut, aussi profondément que possible.

Après le diamètre promonto-pubien minimum, celui qu'il importerait le plus de mesurer avec exactitude au niveau du détroit supérieur est le transverse obstétrical ou utile. Malheureusement, la pelvimétrie ne donne pas de résultats précis sur ce point. Par le toucher bimanuel on estime à peu près l'étendue de ce diamètre, mais on n'arrive pas à la mesurer. Velpeau avait conseillé d'introduire la main entière dans le vagin, dans le but de reconnaître l'étendue de ce diamètre, d'après le degré d'écartement qu'on peut imprimer aux doigts, en les portant simultanément au contact des deux lignes innominées; mais ce procédé ne donne que des renseignements des plus incertains, car, une fois la main sortie, il n'est plus possible de rendre aux doigts le degré exact d'écartement qu'on leur avait imprimé à l'intérieur des voies génitales, alors qu'ils touchaient simultanément les deux parois latérales du bassin.

Lôhlein a cherché à mesurer médiatement le diamètre transverse, en suivant une technique analogue à celle qu'on emploie pour obtenir, par déduction, la longueur du diamètre promonto-pubien minimum. Cet auteur se fonde sur l'hypothèse qu'il existe un rapport constant entre l'étendue du diamètre transverse et celle d'un diamètre obliquement dirigé du sous-pubis à la partie la plus élevée de la grande échancrure sciatique. Ce dernier diamètre serait, en moyenne, de deux centimètres plus long que le transverse obstétrical. La mensuration digitale de ce diamètre oblique est beaucoup moins aisée à pratiquer que celle du diamètre promonto-sous-pubien ; en effet, le fond de la grande échancrure sciatique est difficilement accessible au doigt, et il n'offre pas, en raison de son contour arrondi, de point de repère précis ; nous ne saurions donc attacher une grande valeur à ce mode d'investigation.

Nous avons vu plus haut que Kehrer conseillait de déduire la dimension du diamètre transverse obstétrical de celle du diamètre bis-ilio-pectiné ou transverse antérieur, lequel est directement mesurable à travers l'épaisseur des parties molles, au moyen de la pelvimétrie externe. Ce dernier diamètre est de 1.3 millim. plus court que le transverse obstétrical.

Le procédé le plus simple et en même temps le plus pratique, quoique ne donnant que des renseignements approximatifs, consiste, pour apprécier les dimensions transversales du détroit supérieur, à glisser un ou deux doigts de chaque main au long des lignes innominées; ces doigts recherchent, en outre, en passant au-devant des articulations sacro-iliaques, s'il n'existe pas en ces points d'espaces perdus pour l'accouchement, espaces qui se présentent le plus ordinairement sous la forme de gouttières plus ou moins étroites, situées de chaque côté d'un promontoire anormalement saillant.

Pour terminer le toucher explorateur de la partie postérieure du bassin, il reste à relever la direction et la conformation de l'extrémité inférieure du sacrum et du coccyx. Si la pointe du sacrum est anormalement projetée en avant, il peut résulter de cette disposition un rétrécissement antéro-postérieur du détroit inférieur. On mesure directement à l'aide de l'index le diamètre sous-sacro-sous-pubien, en fixant la pulpe du doigt sur l'interligne sacro-coccygien, et en relevant le bord radial au contact du ligament triangulaire comme nous l'avons indiqué plus haut. En ce point, on marque une empreinte sur la peau à l'aide de l'ongle, et on mesure avec un ruban métrique. On reconnaît au préalable, si cela est nécessaire, le siège de l'interligne sacro-coccygien, en faisant coucher la femme sur le côté, et en saisissant le coccyx entre l'index glissé dans le vagin et le pouce placé dans la rainure interfessière, et en imprimant à ce petit os de légers mouvements de bascule, qui ont pour effet de mouvoir et de permettre de découvrir l'articulation sacro-coccygienne.

On complète l'exploration du bassin rachitique par celle des parois latérales de l'excavation, et par celle du contour du détroit inférieur.

Une fois le détroit supérieur exploré, les doigts qui en ont suivi le contour sont glissés au long des parois latérales de l'excavation pelvienne. Ils se rendent compte ainsi du degré de voussure que le ;fond des cavités cotyloïdes dessine en dedans, en particulier dans le cas où le bassin rachitique revêt le type pseudo-ostéomalacique. On apprécie en même temps la longueur et la direction des épines sciatiques.

Afin d'arriver à un résultat aussi juste que possible, la moitié droite du bassin doit être explorée de la main droite ; la moitié gauche, de la main gauche.

Pour acquérir la notion de symétrie ou d'asymétrie, il est indispensable de procéder successivement, mais avec le moins d'intervalle possible, à l'examen de chacune des deux moitiés latérales du bassin. Le temps perdu pour passer d'un côté à l'autre du lit, lorsque la femme est dans le décubitus dorsal ordinaire, amoindrit la netteté du souvenir des sensations tactiles qu'il s'agit de comparer; pour obvier à cet inconvénient, il est donc indispensable de disposer la femme dans la position obstétricale, c'est-à-dire de la placer en travers du lit; l'accoucheur se trouve ainsi en mesure de toucher avec l'une et l'autre main, sans aucune perte de temps.

Pour l'exploration des parties latérales du bassin, l'index suffit le plus souvent; cependant il est quelquefois préférable d'introduire l'index et le médius conjugués ; parfois même, surtout si la femme est enceinte ou en travail, on devra, dans le but d'établir avec le plus de certitude possible la topographie du bassin, glisser la main tout entière dans le vagin, le pouce restant seul au dehors de la vulve.

L'élargissement du détroit inférieur s'apprécie d'après le degré d'évasement de l'arcade pubienne, et d'après le degré de déjettement des tubérosités ischiatiques en dehors. Ces caractères anatomiques se reconnaissent aussi bien par la palpation à travers les parties molles du périnée, que par le toucher vaginal.



Texte extrait et mise en page par Dr Aly Abbara
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Paris / France