La momification pharaonique
Auteur : Dr Aly Abbara
6 Février, 2021


  • Pourquoi embaumer (momifier) :
    Le but de l'embaumement d'un défunt est de conserver son corps et lui donner l'aspect le plus proche de celui de son vivant afin qu'il puisse se présenter convenablement, après de multiples étapes intermédiaires, devant le dieu des morts "Osiris" pour être jugé puis probablement continuer à vivre au paradis avec un corps gardant parfaitement ses fonctions vitales.

    L'ensemble des opérations effectuées habituellement par les embaumeurs étaient destinées à arrêter le processus de la décomposition cadavérique après la mort ; pour cela il fallait extraire du corps du défunt l'ensemble des organes susceptibles d'accélérer cette décomposition par leur contenu et leur position ; cela concerne en particulier les viscères de la cavité abdominale et thoracique et le cerveau. Le deuxième temps consistait à extraire du cadavre une grande partie de son contenu en eau par une technique permettant sa déshydratation ; cette dessiccation généralisée du corps participe à arrêter définitivement sa putréfaction. Le troisième temps consistait à combler les cavités corporelles (le crâne, la cavité nasale, la cavité thoraco-abdominale puis certaines zones déformées par la déshydratation) et à redonner au corps et la peau une certaine souplesse physique. Le dernier temps servait à protéger le corps traité des effets néfastes environnementaux (humidité, variations de températures, micro-organismes...) en réalisant un bandelettage systémique parfait de l'ensemble du cadavre.

    Les embaumeurs devaient commencer rapidement le processus de momification, surtout avant que la décomposition cadavérique devienne irréversible, d'où l'intérêt de leur confier le corps du défunt dans les deux à trois jours suivant le décès.
    Le processus de momification devait normalement respecter la durée de soixante-dix jours, mais parfois le processus pouvait être écourté, surtout quand il s'agissait d'une momification bon marché.

  • Les embaumeurs et les lieux d'embaumement :
    • Deux à trois jours après le décès, le corps du défunt était transporté sur un bateau vers la rive ouest du Nil, puis installé dans le premier lieu de la momification appelé "Ibou" ou "Tente de purification" ou aussi dans des édifices légers et provisoires près des nécropoles.
      A la basse époque, devant l'augmentation du nombre de cadavres à momifier grâce à la large diffusion de cette technique de conservation des corps, ces lieux provisoires d'embaumement ont été remplacés par des édifices permanents en briques appelés dans les textes de l'Ancien Empire "Ouâbet = la Place pure = la salle d'embaumement", et à la fin de l'Ancien Empire, un deuxième lieu nommé "Per-nefer = la Belle Maison" fut mentionné, il avait exactement la même fonction que " l'ouâbet ".

      Dans certains récits, les auteurs notent que les premières phases de la momification se déroulaient sous la "Tente de purification" , puis le corps du défunt à traiter était transporté à "Per-nefer = la Belle Maison" une fois la déshydratation dans le bain de natron achevée.

      Les embaumeurs étaient dirigés par leur chef appelé " le Supérieur des Mystères ou le Contrôleur des Mystères " ; il était aidé par son assistance " le Prêtre lecteur " chargé la partie religieuse et rituelle de la momification. Ces deux personnages étaient représentés portant un masque en forme de la tête d'Anubis. Ils supervisaient des techniciens spécialisés, chacun dans une des étapes de la momification :
      • Les paraschistes étaient chargés d'extraire les organes internes du corps du défunt.
      • Les Taricheutes étaient spécialisés dans la technique de la déshydratation du cadavre
      • Les "coachytes" étaient les techniciens spécialisés dans le bandetettage des momies.
      • Les nécrotaphes étaient chargé du transport et de l'inhumation de la momie.

  • Les différents temps de l'opération de la momification (selon la technique la plus élaborée) :
    • I- Lavage du corps du défunt :
      Le corps du défunt était déposé sur la table d'embaumement, en bois ou en calcite ; elle mesure 2,20 de long sur 1,5 mètre de large et 42 cm de hauteur. Les tables d'embaumement sont caractérisées par leur plan incliné de la tête vers les pieds, avec une rigole centrale, c'est-à-dire un petit fossé aménagé servant à amener et à recueillir les liquides corporels dans un bassin semi-circulaire situé au niveau des pieds du corps à traiter. Au niveau de chaque angle de la table du côté-tête, on trouve sculptée une tête de lion ; la présence de ces lions près de la tête du défunt symbolise la renaissance.
      D'autres tables identiques, mais de petites dimensions ont été retrouvées, elles servaient de plan de travail pour traiter les viscères du défunt (poumon, foie, intestins et l'estomac).

      L'embaumement commençait par le retrait des vêtements puis le lavage du corps du cadavre entièrement avec de l'eau sacrée prise du lac sacré du temple, dans laquelle du sel de natron a été additionné.
      Après ce lavage approfondi, le corps du défunt était épilé avec précision, exceptée la chevelure du pôle céphalique ; le but de cette épilation était de faire disparaître les traces de la vieillesse et redonner au cadavre l'aspect de la jeunesse perdue. Les recherches ont permis de retrouver certaines pinces à épiler utilisées par des embaumeurs.

      Une fois que le corps était bien sec, il était nettoyé avec un linge imprégné d'une substance colorante (très probablement antiseptique) laissant une mince couche rougeâtre sur la peau et donnant à la momie cette teinte qu'on peut observer sur les momies exposées aujourd'hui dans certains musées.

    • II- L'extraction des viscères et du cerveau :
      • L'extraction des viscères (éviscération) :
        • A travers d'une incision latérale de la paroi abdominale (laparotomie latérale longue d'environ de 12 cm pour un adulte et de 7 cm pour un enfant), au niveau du flanc gauche du corps du défunt, les embaumeurs extrayaient l'ensemble des viscères de la cavité abdominale et thoracique excepté le cœur qui était laissé normalement en place ; pour cette étape, les opérateurs utilisaient les mains introduites profondément dans les cavités abdomino-thoraciques, mais ils utilisaient aussi des instruments bien adaptés :
          • Couteau en silex puis dans des périodes plus récentes, des couteaux en métal afin d'effectuer l'incision de la paroi abdominale (laparotomie) puis l'incision du diaphragme afin d'atteindre la cavité thoracique.
          • Un écarteur posé entre les deux lèvres de l'incision pariétale afin d'atténuer la tension de la paroi abdominale sur la main et l'avant bras de l'opérateur.
          • Puis d'autres instruments de section comme les ciseaux, les scalpels, les coupoirs ; puis des instruments de préhension et d'extraction comme les forceps.

        • Le choix du côté gauche du défunt pour réaliser l'incision de la laparotomie est lié à une conception religieuse égyptienne qui considérait que ce côté représente l'Orient (la terre des vivants) tandis que le côté droit représente l'Occident (la terre des morts, là où le soleil se couche) et il devait rester intact.
          Au début, la laparotomie était réalisée verticalement, entre l'extrémité libre, distale de la dernière côte gauche et le relief de l'épine iliaque antéro-supérieure de l'os iliaque.
          A partir du Nouvel Empire, cette incision devint oblique et étendue tout au long de l'aine gauche (entre le relief de l'épine iliaque antéro-supérieure de l'os iliaque et le pubis) (momie de Thoutmosis III), ou étendue entre l'ombilic et le relief de l'épine iliaque antéro-supérieure de l'os iliaque (momie de Toutankhamon).

        • La conservation du cœur du défunt était essentielle, car il est le siège des sentiments, de la conscience et de la vie ; puis au jour du jugement dernier, c'est le poids du cœur qui sera plus tard comparé au poids de la plume de Maat afin de déterminer le destin final du défunt, soit la mort définitive soit la vie paradisiaque éternelle. Donc le cœur, même s'il était arraché accidentellement, était entouré de bandelettes de tissu et remis à sa place dans la cavité thoracique et parfois rattaché, mais sans se soucier ni de sa position ni du sens de son repositionnement.

        • La rate, les reins et la vessie étaient aussi laissés en place, ainsi que les organes génitaux internes de la femmes (utérus, trompes utérines et ovaires), mais dans certaines descriptions des techniques de momifications, les auteurs notent que les organes génitaux internes féminins étaient ôtés, et le périnée était maintenu en place par un tissu, puis un large tampon de linge était introduit par l'orifice vulvaire afin de combler la cavité vaginale.
          Chez l'homme les organes génitaux externes (phallus et scrotum) étaient laissés en place, mais si le pénis était dans certains cas coupé (momie de pharaon Séti I et Ramsès II), alors les embaumeurs l'entouraient de lin et parfois le déposaient dans la cavité abdominale. Le but de la conservation des organes génitaux était de maintenir pour le défunt, une activité sexuelle intacte dans l'Au-delà.

        • Cette étape s'achève par le nettoyage-rinçage : les cavités thoracique et abdominale sont nettoyées à l'aide de tissus de lin, de tampons, de moelles de papyrus… Puis rincées abondamment avec de l'eau et du vin de palme mélangé à des produits aromatiques, ensuite on applique sur les parois internes de ces deux cavités l'onguent.

      • L'extraction du cerveau :
        A partir de la XVIIIe dynastie, les embaumeurs commencent à procéder à l'ablation du cerveau du cadavre à traiter ; ils perforent le crâne à l'aide d'un ciseau ou un instrument pointu introduit dans la narine gauche afin de briser l'os éthmoïde et créer une ouverture chirurgicale dans la boîte crânienne permettant l'accès direct au cerveau dans le but d'accomplir l'ensemble des actes chirurgicaux suivants :
        • Morcellement et extraction partielle du cerveau : à l'aide d'une spatule introduite par cette ouverture éthmoïdale, le cerveau était découpé en petits morceaux ; cette opération permettait aux embaumeurs d'extraire avec une cuillère adaptée, et toujours par voie naso-éthmoïdale, une grande partie du cerveau morcelé.
        • Liquéfaction du reste du cerveau : le reste du cerveau est liquéfié par des mouvements de rotation à l'intérieur de la boîte crânienne d'un bâton à crochet introduit par voie naso-éthmoïdale qui réduisent la matière cérébrale en bouillie, puis aussi par l'instillation d'un liquide caustique.
          La partie liquéfiée du cerveau est laissée s'écouler hors de la boîte crânienne à travers les narines après avoir abaissé et tourné la tête vers le bas.
        • Le lavage de la cavité crânienne : la cavité crânienne vidée de la majorité de son contenu est nettoyée et rincée ensuite avec du vin de palme (14 % d'alcool éthylique).

          Certains récits indiquent que les embaumeurs égyptiens, afin de nettoyer parfaitement la paroi osseuse du crâne, injectaient dans la boîte crânienne, par voie naso-éthmoïdale, un produit extrait de cendres de certaines plantes comme le Kali mélangé avec de la soude. Quelques heures après, les embaumeurs mobilisaient le cadavre en le tournant afin de rejeter ce liquide liquéfiant et nettoyant ; ces manipulations de la tête et du cou entraînaient parfois des fractures du rachis cervical (observées lors des études anatomiques de certaines momies).

        • Le bourrage de la cavité crânienne :
          Par voie naso-éthmoïdale, la cavité crânienne est bourrée par des bandes d'étoffe de lin et de la résine liquéfiée par la chaleur et qui recouvrait toutes les parois endocrâniennes grâces à quelques mouvements de rotation appliqués à la tête, mais une partie de cette résine en excès se froidissait et se déposait dans la région occipitale de la cavité crânienne, ce dépôt de résine (dont on connaît pas parfaitement sa composition) fut appelé par les radiologues qui l'ont observé le "bouclier occipital".

          A la fin de ce bourrage intra-crânien, les cavités nasales sont obturées par de la cire ou des bandes de lin imprégnées de résine.

          Les traces laissées sur certaines momies évoquent la possibilité d'utiliser une autre voie pour le bourrage de la boîte crânienne, il s'agit de la voie passant par le foramen magnum (l'orifice occipital de la base du crâne) ; cette voie nécessitait de fracturer la première vertèbre cervicale (l'atlas) et d'élargir ce foramen.

    • III- La déshydratation (séchage) du corps et des viscères du défunt à momifier :
      • La déshydratation du corps :
        A travers l'incision effectuée préalablement dans la paroi abdominale, ou parfois par voie anale, les embaumeurs placent dans les cavités thoracique et abdominale des paquets (ou des sachets) temporaires de bourrage contenant du natron solide afin d'accélérer la déshydratation des tissus et de la graisse de l'intérieur du tronc ; ils placent aussi d'autres paquets contenant de la sciure, de la paille ou des fibres de palmes et parfois de lichen afin d'absorber le liquide et les humeurs extraits de ces tissus par ce processus de déshydratation. Certains paquets provisoires déposés dans ces cavités corporelles contenaient un onguent et aussi des tampons de linge imprégnés de gomme-résine parfumée afin de les aromatiser et leur donner une odeur agréable.

        Après le bourrage temporaire des cavités thoracique et abdominale, on plaçait le corps entier du défunt dans un tas de natron solide en quantité égale à dix fois le volume du corps à momifier ; l'ensemble était déposé sur une table en position oblique. Cette étape durait quarante jours (70 jours selon Hérodote) pendant laquelle le natron solide, par mécanisme de pression osmotique, jouait le rôle de substance dessiccative permettant d'extraire l'eau contenue dans les tissus, c'est-à-dire de déshydrater (dessécher) et d'éliminer de 30 à 40 % du poids corporel du cadavre.
        La déclivité légère de la table permettait de recueillir dans un récipient placé à son pied, la composante liquide du corps du cadavre
        L'expression "bain de natron" utilisée dans certains récits, ne veut pas dire "natron en solution" car les embaumeurs ont toujours utilisé le natron sous sa forme solide cristallisée pour dessécher les tissus des cadavres à momifier.
        Afin d'éviter la chute des ongles des mains et des pieds au cours de ce processus de dessiccation, ces ongles étaient maintenus en place grâce à des fils de lin.

      • La déshydratation des viscères :
        Les viscères extraits du corps du défunt (poumon, foie, estomac et intestins) étaient lavés avec de l'eau légèrement nitrée, puis salées et séchées au soleil pendant peu du temps. Certains récits affirment que les viscères étaient déshydratés en les posant dans le natron solide pendant 40 jours.

        Une fois séchées, ces viscères étaient immergés dans le "shedeh", un breuvage alcoolisé à environ 20 degrés, à base de vin cuit des oasis de la Libye ; ce liquide était aussi saturé de résine et d'aromates tels que : laudanum, myrrhe et styrax.
        Hérodote et Diodore ont mentionné que les Égyptiens utilisaient comme breuvage alcoolisé pour cette étape, le vin de palme à 14 degrés.

        Ensuite ces viscères étaient frottés d'huile parfumée et enduite avec de la résine fondue (ou de bitume).

        L'étape suivante consistait à les envelopper par des bandages de lin et de placer, chaque organe dans une des quatre jarres appelées des canopes dont les couvercles représentent chacun un des quatre fils d'Horus afin de protéger les viscères du défunt momifié : Imstey avec sa forme de tête humaine protège le foie ; Dwamutef à tête de chacal protège l'estomac ; Happy à tête de babouin protège les poumons et Qebehsenuef à tête de faucon protège les intestins.

        A partir de la troisième période intermédiaire, les viscères traités étaient replacés dans la cavité thoraco-abdominale du défunt. Plus tardivement, ces viscères traités étaient déposés entre les jambes des momies.

    • IV- Le bourrage définitif des cavités thoracique et abdominale :
      • Après l'extraction du corps du défunt du tas de natron solide, dans certains récits, il était transporté dans un autre lieu appelé "per-nefr = la belle maison ou la maison de la perfection ".
        Les embaumeurs retiraient les paquets de bourrage temporaire pour ensuite les brûler dans un puits dans la tombe.
        Les cavités thoracique et abdominale étaient lavées et rincées avec du vin de palme et remplies par des matières sèches de bourrage définitif comportant des morceaux du tissu du lin, de la boue (limon) du Nil, de la sciure, de la résine, de la myrrhe, de la cannelle, de la casse, d'un à trois oignons et de substances aromatiques.

    • Le traitement final du corps du défunt :
      • La surface du corps après ce processus de déshydratation dans le natron avait l'aspect du cuir, donc il était lavé pour la dernière fois afin d'en retirer le sel de natron, puis enduit d'une onction lui donnant une teinte rouge orangée, et afin de le parfumer et lui donner une certaine souplesse proche de la réalité, on appliquait sur la peau un mélange de corps gras végétaux parfumés composé des huiles de genièvre et de cèdre, de laurier, poivre, ciste, baies de genévrier. Ce mélange était associé au lait, de vin et de cire d'abeille.

        A partir de la XXe -XXIe dynasties, pour donner au corps de la momie le maximum d'apparence de vie, les embaumeurs, à l'aide de petites incisions cutanées, réalisaient des bourrages au niveau de la face, du cou, des épaules, du bas de la paroi abdominale et du bas du dos et les fesses, et enfin les jambes et les pieds. Pour ce bourrage les opérateurs introduisaient dans le plan sous-cutané de ces sites anatomiques du sable, de la boue (limon du Nil), de la sciure et de la résine fondue.

      • Fermeture des cavités corporelles en faisant des trous à l'aide d'un poinçon au niveau des deux lèvres de l'incision latérale gauche de la paroi abdominale afin de permettre de coudre cette incision par des ficelles de lin. Parfois, cette incision abdominale était bouchée à l'aide de linge ou d'un fragment de poterie, ou simplement scellée à la cire ou le bitume, mais quand il s'agissait d'un pharaon, cette incision était dissimulée sous une plaque métallique (parfois de l'or) sur laquelle on gravait l'œil protecteur de Horus (Oudjat).

        • Les narines et les conduits auditifs des oreilles externes étaient scellés soit par de la cire d'abeille, soit par du lin trempé dans de la résine fondue.

        • La bouche, la langue et la cavité buccale étaient dans certains cas les sujets de soins spécifiques afin de permettre au mort, au cours du processus du jugement dernier (décrit dans le livre des mort) de parler et de prononcer les paroles nécessaires devant les divinités de l'Au-delà, puis de se nourrir si son destin était de vivre éternellement dans le paradis d'Osiris.

          En effet, les embaumeurs devaient ouvrir la bouche par la force en mobilisant la mandibule (maxillaire inférieure) et la maintenant ouverte temporairement par l'introduction d'une spatule ou de ciseau-medjat le temps nécessaire pour remplir la bouche par des linges imprégnés de cire, de myrrhe et de résine térébinthe ; normalement les embaumeurs plaçaient dans la bouche quatre rouleaux, deux pour l'intérieur et deux pour l'extérieur.

        • Les yeux desséchés et rétractés par l'action de natron étaient souvent enlevés et parfois remplacés par un tissu de bourrage (momie de Ramsès III) ; parfois par des véritables prothèses oculaires élaborées en pierre de couleur blanche et noire, parfois aussi on retrouve des pierres précieuses et dans certains cas par des oignons peints (Ramsès V).
          Les embaumeurs appliquaient parfois le Khôl sur les yeux.

    • L'emmaillotage de la momie (le bandelettage) :
      Il s'agit de l'enveloppement de l'ensemble du corps du défunt momifié par des bandes et bandelettes de lin d’Égypte.
      Cette opération peut durer au moins 15 jours ; elle se déroule selon un ordre bien défini en commençant par la pose d'un grand linceul sur le corps ; puis le bandelettage des membres supérieurs et inférieurs séparément en débutant par l'enveloppement des doigts l'un après l'autre séparément à partir de l'auriculaire pour finir par le pouce, puis l'avant-bras et ensuite le bras ; même technique pour les pieds, les jambes et les cuisses.

      Avant de passer à l'étape suivante, s'il s'agissait d'un roi, l'embaumeur adaptait les doigtiers d'or, ou simplement déposait de la peinture dorée sur les doigts s'il s'agissait d'un personnage de rang inférieur.
      Les paumes des mains pouvaient être remplies de morceaux de lin froissés puis pour le roi on glissait à l'annulaire gauche un anneau d'or portant son sceau et pour certain roi on peut trouver un deuxième anneau glissé dans le médius (majeur) de la main gauche.
      Pour les simples défunts on glisse au doigt de simples bagues en faïence portant un scarabée et parfois de simple anneau fabriqué en cire ou en stuc doré.

      L'étape suivante consiste au bandelettage du thorax et de l'abdomen et enfin le pôle céphalique ; ensuite l'attachement des membres supérieurs, l'un à l'autre par une corde, et les membres inférieurs par des bandes de lin au niveau des genoux et des chevilles ; les deux dernières étapes consistent à effectuer un bandelettage du corps entier à deux reprises.
      Les bandelettes de lin utilisées étaient imprégnées d'huile à base d'oliban et de cire et gomme végétale assurant leur fixation. Les "coachytes" ou les techniciens spécialisés dans le bandelettage des momies glissaient entre les couches des bandelettes et à des endroits appropriés,
      différentes formes d'amulettes protectrices et de bijoux pouvant dépasser en nombre la centaine (143 amulettes et objets ont été trouvés dans la momie de jeune pharaon Toutankhamon). En effet, ce sont ces objets et amulettes qui attiraient les pilleurs de tombes en Égypte.

      La momie était ensuite enveloppée par un drap de lin fixé sur le corps par des bandes entourant la momie sur le plan transversal, longitudinal et de façon croisée.

    • Les masques : une fois la momie était protégée par son enveloppe de lin, on couvrait la tête, les épaules et une grande partie du thorax par un masque et parfois plusieurs masques successifs ; il s'agit de masque de tissu, de papyrus et parfois métallique (parfois d'or) incrusté de pierre précieuses.

    • Un linceul est parfois placé sur la momie enveloppée ; sur ce linceul on dessinait une figure représentant Osiris ressuscité, le dieu du monde des morts qui porte le titre de "Wsir Wnn-nfr = Osiris qui est continuellement heureux".

      Dans la mythologie égyptienne, le premier corps momifié fut celui d'Osiris tué par son frère Set, et ce fut Anubis "le dieu chacal" qui réalisa cette momification aidé par les quatre fils d'Horus : Imstey avec sa forme de tête humaine ; Dwamutef à tête de chacal ; Happy à tête de babouin et Qebehsenuef à tête de faucon.

    • Le cercueil :
      Le cercueil en bois est composé de trois parties :
      • La partie inférieure dans laquelle on déposait la momie ; elle représentait le dieu Geb (le dieu de la terre) ;
      • Le premier couvercle qui était posé directement sur la momie.
      • Le couvercle du cercueil qui servait à couvrir la partie inférieure du cercueil et qui représentait Nout, la déesse du ciel.
        Le défunt momifié, représente dans ce complexe funéraire le dieu Osiris le fils de Geb et Nout d'où la possibilité de se ressusciter comme le dieu qu'il représente.

  • Cérémonie de l'ouverture de la bouche :
    Avant l'enterrement de la momie, la cérémonie funéraire la plus importante était d'effectuer le rituel de l'ouverture de la bouche par le prêtre "SEM" en utilisant un outil funéraire appelé "Setep" avec lequel il touchait la bouche du défunt afin d'activer la parole et les cinq sens nécessaires pour sa vie future ; en effet, pour arriver à la dernière l'étape, c'est-à-dire au jugement dernier, le défunt devait franchir plusieurs étapes intermédiaires durant lesquelles il devait pouvoir répondre aux questions posées.

  • Le jugement dernier :
    Les Égyptiens croyaient que le défunt traversait plusieurs étapes décrites dans le livre des morts avant d'atteindre la salle de Maat dans laquelle se déroulait le jugement dernier, exécuté en présence d'Osiris, Thot, Anubis, Horus et la féroce Ammit.
    Cette traversée et ce jugement pouvaient avoir lieu soit immédiatement après la mort, soit après l'enterrement du corps momifié.
    Dans la salle de Maat, avec une balance, le cœur du défunt était pesé contre la plume de Maat, la déesse de la vérité et du droit ; le résultat de cette pesée est noté par le dieu Thot (le dieu scribe, à tête d'Ibis) sur un papyrus à l'aide d'un roseau tenu par la main droite. Si le cœur du défunt est plus lourd que la plume de Maat, Ammit "le mangeur des morts", à tête de crocodile, à corps de lion et à arrière d'hippopotame, dévorait le défunt immédiatement pour l'anéantir définitivement. Si le cœur du défunt était égal ou moins lourd que la plume de Maat, le défunt était sauvé d'Ammit pour gagner la vie éternelle dans le paradis d'Osiris (les champs élysiens).

  • Les variantes de l'opération de la momification à travers le temps :
    • Durant le règne des premières dynasties égyptiennes, pour conserver les cadavres, on bandelettait le corps du défunt afin de l'isoler du milieu ambiant.
    • À la fin de la IIIe dynastie (vers 2700-2620 av. J.-C.), les embaumeurs commencèrent à extraire les viscères abdominaux (apparition des vases canopes) et utilisèrent le natron comme substance dessiccative (déshydratante) à partir de IVe dynastie. À cette époque le bandelettage devint plus élaboré imitant parfois les vêtements de la vie quotidienne.
    • Il fallut attendre la venue du Nouvel Empire (1580-1091 av. J.-C.) pour atteindre la perfection de la technique de momification décrite en détail dans cet article.
    • Avec la diffusion et la démocratisation de la momification des cadavres des humains et des animaux de toutes sortes en Egypte, on voit apparaître des techniques bon-marchés comme :
      • Avant de placer le corps dans le natron, on réalisait une simple injection par l'anus d'une huile dissolvante pour les viscères abdominaux au lieu de réaliser l'éviscération chirurgicale de la cavité thoracique et abdominale.
      • Lavage du corps et dessiccation (déshydratation) par le natron sans éviscération.
      • Bandelettage moins soigné, économe : doigts non enveloppés séparément, tissu de moins bonne qualité, voire l'utilisation de tissu prévu pour d'autre usage (étoffe de récupération).

  • Consulter : Déroulement de la momification en Égypte selon l'historien grec, Hérodote (484 6 410 av. J.-C.)
  • Lexique :
    • Alcool : mot d'origine arabe "al-kuhoul - الكحول - al-ghoul - الغول " ; liquide incolore, volatil, inflammable, obtenu par la distillation du vin.
    • Aromate - طيب : substance végétale odoriférante (produisant une odeur).
    • Bitume - زفت - قار : mélange naturel ou artificiel d'hydrocarbures (et de résines, d'asphaltènes…) qui se présente à l'état solide ou liquide (pâteux), de couleur noire, opaque.
    • Bourrage - حشو : remplissage des vides d'une cavité.
    • Calcite : carbonate naturel de calcium cristallisé (CaCO3), à structure rhomboédrique.
    • Ciseau - قاطع : outil d'acier, tranchant à l'une de ses extrémités, et servant à travailler le bois, le fer, la pierre…
    • Ciseaux - مقص : instrument formé de deux branches d'acier, tranchantes sur une partie de leur longueur (lame), réunies et croisées en leur milieu sur un pivot (entablure).
    • Défunt (défunte) - متوفي ؛ ميت : qui est mort ; décédé.
    • Dessiccatif - مُجَفف : se dit d'un médicament qui, appliqué sur une plaie, en absorbe le pus ou les sérosités.
    • Dessiccation - تجفيف : action de dessécher (les gaz, les solides) ; opération par laquelle on les prive de l'humidité qu'ils renferment.
    • Emmaillotage ou emmaillotement - لف ـ تقميط ـ تقمط : le fait d'emmailloter, c'est-à-dire envelopper complètement (un membre, le corps).
    • Forceps - ملقط : Instrument en forme de pinces à branches séparables (cuillers) qui sert à tirer la tête du fœtus pour en faciliter l'expulsion.
    • Cuillère - ملعقة : instrument formé d'un manche et d'une partie creuse, et qui sert à transvaser ou à récupérer les petits fragments du cerveau morcelé.
    • Embaumer - حنَّط ؛ تحنيط : remplir (un cadavre) de substances balsamiques, dessiccatives et antiseptiques destinées à en assurer la conservation.
    • Épiler : arracher ou faire tomber les poils, les cheveux de quelqu'un.
    • Ethmoïde - الغربالي : os impair de la base du crâne, situé en avant du sphénoïde, dont la partie supérieure, horizontale, criblée de petits trous, forme le plafond des fosses nasales et les sépare de l'étage antérieur du crâne. Les parties latérales de l'éthmoïde concourent à former les parois internes des orbites et les parois externes des fosses nasales.
    • Khôl - الكُحل : mot d'origine arabe "kuhl" ; collyre d'antimoine ; fard de couleur sombre appliqué sur les paupières, les cils, les sourcils, à l'origine dans le monde arabe.
    • Laparotomie - فتح البطن : ouverture chirurgicale de la paroi abdominale.
    • Lin - كتان : plante (Linacées), cultivée pour les fibres textiles.
    • Liquéfaction - تمييع : fusion, passage à l'état liquide d'un corps solide.
    • Natron (appelé aussi natrite) - النطرون : mot d'origine arabe (natroun). Il s'agit d'un mélange naturel de carbonate et de chlorure de sodium cristallisé extrait des lacs salés se trouvant dans le Ouadi el-Natroun entre le Caire et Alexandrie.
    • Nitré : qui contient du nitre (nitrate = "azotate" de potassium).
    • Momie - مومياء ـ جثة محنطة : mot d'origine arabe désignant un cadavre desséché et embaumé par les procédés des anciens Égyptiens.
    • Myrrhe - مُر مكاوي - صَبْر : gomme (résine) aromatique produit en brûlant le balsamier, arbre ou arbuste dicotylédone des régions chaudes (Burséracées), appelé aussi baumier ou balsamodendron.
    • Myrrthe - الآس : gomme (résine) aromatique produit en brûlant
    • Oliban - لُبان : mot d'origine arabe (al-Luban) " encens " : gomme-résine, appelée aussi encens mâle.
    • Onguent - دهان ـ مرهم ـ مَروخ : médicament pâteux, onctueux, composé habituellement de substances grasses ou résineuses, et que l'on applique sur la peau
    • Poinçon - مِخْرَز ـ مِثْقَب ـ مِخصف ـ مِنقش : instrument métallique terminé en pointe qui sert à percer, ou à entamer les matières dures.
    • Putréfaction - انحلال ـ تفسخ ـ تعقن ـ تأدُّم ـ تَدَعُّص : décomposition (altération ou destruction) des matières organiques sous l'action de ferments microbiens.
    • Résine - راتينج (مادة صمغية لذجة تفرزها بعض النباتات ولا سيما الصنوبريات) : produit collant et visqueux, à cassure vitreuse, de couleur jaune ou brune.
    • Scalpel - مِبضع ـ مَشْرَط : petit couteau à manche plat destiné aux dissections.
    • Sciure - نشارة : déchets en poussière d'une bois sciée.
    • Spatule - مِلوق ـ مِسْوط ـ مِلعقة : instrument formé d'un manche et d'une lame large.
    • Stuc - جَص ـ معجون المرمر : composition de plâtre (ou de poussière de marbre) gâché avec une solution de colle forte formant un enduit qui, après polissage, imite le marbre.
  • Références :
    • Francis Janot, Zahi Hawass. "Momies, rituels, d'immortalité dans l’Égypte ancienne". Editions White Star (WS) - 2008.
      Le Grand Robert de la langue française, version 2 - 2005.
    • Bruno Halioua. " La médecine au temps des pharaons". Lianna Levi - édition 2004. p:59-65.
    • M-Yahia Ewada; "Secrets de la momification - Tiba - 2004.
    • Françoise Durand, Roger Lichtenberg. "Les momies, un voyage dans l'éternité" Découvertes Gallimard n° 118 - 1991
 

Auteur d'image : Dr Aly Abbara
Mise à jour le 6 Février, 2021


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