Placenta d'une grossesse âgée de 40 semaines d'aménorrhée
Cette image met en évidence l'imprégnation typique de la face foetale du placenta par
le méconium fœtal, émis in-utero, ce qui lui donne une couleur verdâtre " méconiale
"
invariable malgré le long rinçage sous robinet

La dernière image montre la couleur normale de la face fœtale du placenta.


  • Le méconium :
    • Première matière fécale (excréments visqueux brun verdâtre accumulés dans les intestins du fœtus durant sa gestation) expulsée par le nouveau-né, mais parfois, l'émission du méconium peut survenir, in-utero, par le fœtus, en dehors ou au cours du travail ; la conséquence est la modification de la couleur du liquide amniotique.

    • En fonction de la quantité du méconium émise par le fœtus, le liquide amniotique, normalement incolore, vire vers le vert-brun pour devenir (en langage obstétrical) : citrin, teinté, très teinté, méconial (liquide amniotique méconial = LAM), et dans les cas extrêmes s'associant avec la diminution de la quantité du liquide amniotique, ce dernier, mélangé avec un volume important de méconium, prend un aspect particulier connu par les obstétriciens, sous l'appellation de " purée de pois " c'est-à-dire (brun - verdâtre épaissi = liquide amniotique méconial épais = LAM épais).

    • Les tissus qui sont en contact avec le liquide amniotique méconial ou purée de pois, s'imprègnent par des substances colorantes (en particulier, les acides et les pigments biliaires) se trouvant en forte concentration dans le méconium et ils prennent une couleur verdâtre méconiale que l'on peut voir sur l'image de la présente page. Les tissus qui sont habituellement touchés par ce phénomène sont la face fœtale du placenta, le cordon ombilical, les membranes amniotiques (l'amnios et le cordon), et à moindre degré la peau fœtale.
      D'après (
      E. Philippe, C. Charpin. " Pathologie gynécologique et obstétricale ", Masson 1992 : 296
      ) Pour que la face maternelle du placenta prenne ce reflet vert-bronze, il faut que qu'il soit en contact avec le méconium depuis de plus de 24 heures.

    • Le signe de LAM :
      La fréquence du liquide amniotique méconial (LAM) est en moyenne de 15 %, avec des taux allant de 7 à 22 % selon les différentes études.

    • Le signe de liquide amniotique méconial (LAM) a été considéré pendant longtemps comme un signe d'alerte d'hypoxie fœtale, car la présence de cette hypoxie déclenche dans l'organisme fœtal une redistribution sanguine :
      • favorisant et augmentant l'irrigation du cerveau et du cœur fœtaux et
      • réduisant (par une vasoconstriction) l'apport sanguin :
        • des reins (conséquence : diminution de la quantité du liquide amniotique)
        • de la peau (conséquence : pâleur des téguments cutanés) et
        • de l'appareil digestif (conséquence : irritation du tube digestif, accélération du perstaltisme intestinal, relâchement des sphincters anales et enfin, l'émission du méconium).

    • Mais les études montrent que le signe du LAM manque de sensibilité et de spécificité car il ne s'accompagne pas toujours d'hypoxie fœtale et que des hypoxies fœtales pouvant survenir avec un liquide amniotique clair :
      • L'étude de (Low JA, Pickersgrill. H, Killen H et al. The prediction and preventionof intra-partum fetal asphyxia in term pregnancies. Am. J. Obstet. Gynecol. 2001, 184 : 724-730) rapporte 64 liquides méconiaux sur un total de 166 asphyxies et 8 liquides amniotiques méconiaux sur 26 asphyxies modérées ou sévères.
      • Dans l'étude de (Badawi N, Kurinczuk, Keogh JM et al. Intrapartum risk factors for newborn encephalopathy : the Western Australian case-control study. BMJ 1998, 317 : 1537-1538), 2/3 des encéphalopathies hypoxiques avaient un liquide amniotique clair.

      • Donc le signe du LAM doit être interprété, non isolément, mais en fonction du contexte clinique et du rythme cardiaque fœtal (RCF) :
        • Le liquide amniotique méconial fait partie des signes de l'infection materno-fœtale au même titre que l'altération du rythme cardiaque fœtal (en particulier, la tachycardie foetale) et l'hyperthermie maternelle, qui peuvent survenir, par exemple dans le contexte de rupture prématurée des membranes amniotiques.

          L'étude de (Blot P et al. Fetal tachycardie and meconium staining a sign of fetal infection. Int. J. Gynaecol. Obstet. 1983, 21 : 189-194) a montré que qu'en cas de tachycardie fœtale, le risque d'infection fœto-maternelle était multiplié par 18, et en cas de l'association de d'une tachycardie fœtale et d'un liquide méconial, le risque de la présence d'infection fœto-maternelle était multiplié par 51.

        • La présence d'autres signes d'hypoxie fœtale et en particulier les anomalies du rythme cardiaque fœtal (tachycardie, diminution des accélérations, des décélérations, diminution de la variabilité....) doit être recherchée en la présence du signe du LAM, car cela augmente la valeur pronostic de ce signe et parce que ces anomalies sont aussi des signes fréquemment présents dans les deux heures qui précèdent la naissance des nouveaux-nés atteints par le syndrome d'inhalation méconiale (SIM).

        • Dans le syndrome de post-maturité (dépassement du terme, soit terme de grossesse supérieur à 42 semaines d'aménorrhée), et dans toutes les situations obstétricales ou le fœtus est exposé à une insuffisance placentaire chronique avec une hypoxie pouvant être à l'origine de l'émission du méconium et de l'oligoamnios ; ce fœtus amaigri qui a déjà perdu une grande partie de ses tissus graisseux sous-cutanés et une partie de sa masse musculaire, il se trouve baignant dans un liquide amniotique méconial épais ou pas en fonction de la sévérité de l'oligoamnios. Dans ces conditions le fœtus est exposé au risque d'inhalation méconiale (SIM) lors des mouvements respiratoires in utero, ou lors des premières inspirations à la naissance avec tous les risques liés à cette inhalation.

        • AUDRA Philippe, dans un livre de référence (Jean-Marie Thoulon, Jean-Charles Pasquier, Philippe Audra. La surveillance du travail. MASSON Paris 2003 : 194-195) donne cette conclusion à propos du signe du liquide amniotique méconial :
          • « En pratique, la valeur à accorder à un liquide méconial doit tenir compte du contexte clinique et du RCF. Un LAM, même épais, s'il est isolé n'est pas un signe d'hypoxie et s'accompagne rarement d'un SIM grave. Il ne justifie pas à lui seul de terminer l'accouchement, mais nécessite une attention particulière. Un RCF anormal, même un tracé intermédiaire doit être pris en considération sans attendre un état d'acidose confirmé, en raison du risque de SIM, surtout si le liquide est épais. Un LAM épais ou non, dans un contexte d'insuffisance placentaire, d'hyperthermie maternelle, associé à une tachycardie fœtale ou un rythme plat est un signe d'alerte et doit faire redouter une asphyxie ou un SIM sévère ».

    • Le syndrome d'inhalation méconiale (SIM) :
      L'inhalation du liquide méconial lors des premières inspirations profondes survenant avant ou immédiatement après la naissance peut être à l'origine de troubles respiratoires de gravité variable, allant de la simple détresse respiratoire à la naissance, à résolution rapide par des soins médicaux appropriés, jusqu'à l'inondation, par le méconium, de l'arbre respiratoire distal (les arborisations bronchiques distales et les alvéoles) du nouveau-né, provoquant une détresse respiratoire grave, une sorte de pneumopathie chimique et obstructive pouvant être à l'origine d'emphysème pulmonaire, de pneumothorax, d'hypoxie réfractaire et d'un retour à la circulation fœtale par hypertension pulmonaire ; ces complications peuvent évoluer vers des séquelles pulmonaires chroniques graves
      .

      La survenue de SIM reste rare comparée à la fréquence de liquide amniotique méconial (LAM) car ce syndrome survient chez seulement 1 à 2 % de nouveaux-nés naissant dans un contexte de LAM souvent épais (purée de pois).


    • L'étude de (PAZ Y, Solt I, Zimmer EZ. Variables associated with meconium aspiration syndrome in labors with thick meconium. Eur. J.Obstet. Gynecol. Reprod. Biol. 2001, 94 : 27-30.) montre que l'incidence du SIM augmente en cas de présence d'anomalie du rythme cardiaque foetal, car en reprenant le tracé du RCF des deux heures précèdent la naissance, de 33 enfants atteints de SIM, et 104 enfants sans SIM nés dans un LAM, on trouve comme facteurs de risque de la survenue du SIM : la tachycardie fœtale, la diminution des accélérations sur 30 minutes, l'augmentation du nombre des décélérations par 30 minutes et la diminution de la variabilité.

    • Les études montrent aussi que dans le SIM avec des troubles respiratoires sévères, il existe souvent des lésions respiratoires anténatales provoquées par l'hypoxie chronique ou l'infection (qui peuvent être à l'origine de l'émission du méconium) ; donc dans ces cas, ce n'est pas l'inhalation du LAM qui est à l'origine de la sévérité du SIM, et l'aspiration du méconium des voies respirations ne parvient pas à éviter ce syndrome.

    • Vu l'augmentation du risque d'inhalation méconiale (SIM) en cas du LAM épais (purée de pois) comparé au risque de la survenue de cette pathologie en cas de LAM non épais, certaines équipes obstétricales ont proposé de réaliser l'amnioinfusion afin de diluer le liquide méconial épais et en conséquence diminuer le risque d'inhalation méconiale ; mais de nos jours, peu d'équipes pratiquent cette technique, qui est généralement irréalisable chez 53 % des patientes (accouchements imminents, souffrance foetale aiguë nécessitant une extraction rapide par césarienne et enfin, dans certain cas, la présence du liquide amniotique méconial peut rester méconnue durant le travail.

    • Amnioscopie :
      Une des techniques obstétricales permettant le diagnostic du liquide amniotique teinté par le méconium fœtal.

    • Retard de l'élimination du méconium :
      On parle de retard d'élimination du méconium chez le nouveau-né lorsque celle-ci survient après la 36ème heure de vie, en l'absence du liquide amniotique méconial au cours du travail et l'accouchement.
      Statistiquement, la première émission de méconium survient avant la 12ème heure de vie chez 69 % des nouveau-nés, et avant la 24ème heure chez 94 % des nouveau-nés.


    • Le retard d'élimination de méconium peut être dû à :
      • un bouchon méconial (idiopathique) ;
      • la mucoviscidose avec l'épaississement du méconium et la formation d'un bouchon dense au niveau du grêle distal situé au niveau de la fosse iliaque droite et le flanc droit, pouvant être à l'origine d'un iléus méconial et parfois une péritonite méconiale ;
      • la maladie Hirschsprung (mégacolon) ;
      • l'occlusion intestinale fonctionnelle transitoire suite à :
        • retard d'élimination du méconium dans le cadre du Plug-syndrome qui peut céder par un lavement ;
        • l'occlusion intestinale chez les nouveau-nés prématurés par un défaut de la maturité des éléments nécessaires à une motricité normale du tube digestif ;
        • l'occlusion digestive dans un contexte infectieux chez le nouveau né ;
        • l'exposition in-utero à certaines substances administrées à la mère (antispasmodiques, antidépresseurs et neuroleptiques) ;
      • l'occlusion intestinale mécanique par anomalie du tube digestif :
        le retard d'émission du méconium n'est pas un signe constant dans ce contexte car certaines occlusions se caractérisent par la présence d'un intervalle libre avec une émission du méconium ; c'est le cas du volvulus total du grêle et du volvulus total du grêle et du côlon droit.
        Les autres signes évoquant le diagnostic d'occlusion digestive mécanique sont les vomissements qui peuvent être précoces, avant toute tentative d'allaitement, puis le métiorisme ou le ballonnement abdominal qui est d'autant plus marqué que l'occlusion est basse.


  • Références :
    • Jean-Marie Thoulon, Jean-Charles Pasquier, Philippe Audra. La surveillance du travail. MASSON Paris 2003 : 194-195
    • PAZ Y, Solt I, Zimmer EZ. Variables associated with meconium aspiration syndrome in labors with thick meconium. Eur. J.Obstet. Gynecol. Reprod. Biol. 2001, 94 : 27-30.
    • Low JA, Pickersgrill. H, Killen H et al. The prediction and preventionof intra-partum fetal asphyxia in term pregnancies. Am. J. Obstet. Gynecol. 2001, 184 : 724-730.
    • Badawi N, Kurinczuk, Keogh JM et al. Intrapartum risk factors for newborn encephalopathy : the Western Australian case-control study. BMJ 1998, 317 : 1537-1538.
    • E. Philippe, C. Charpin. " Pathologie gynécologique et obstétricale ", Masson 1992 : 296.
    • Christine Francoual, Jacques Bouillié, Christine Hureux-Rendu. " Pédiatrie en maternité ". Médecine-Sciences Flammarion 1989 : 338-339, 394-395, 425.
    • Blot P et al. Fetal tachycardie and meconium staining a sign of fetal infection. Int. J. Gynaecol. Obstet. 1983, 21 : 189-194.

Auteur : Dr Aly Abbara
Mise à jour : 20 septembre, 2008

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