Lexique de la Médecine fœtale et de la morphologie humaine


 
   
 

Monosomie X (Syndrome de Turner) - (45,X)
Auteur © : Dr Aly Abbara
Dernière mise à jour : 2 Mai, 2023

  • Cytogénétique et fréquence :
    • Synonymes :
      Syndrome d'Ultriche-Turner ; Syndrome XO ; Syndrome 45X.

      Le syndrome a été décrit par Turner en 1938, puis en 1954, Polani et coll, décrivirent l'absence de corpuscule de Barr chez certaines femmes atteintes d'une agénésie ovarienne ; mais c'est Ford et coll, en 1959, qui montèrent que le caryotype chez les porteuses du syndrome de Turner est anormale, car il est caractérisé par la présence d'une monosomie X (45, XO), c'est-à-dire l'absence d'un chromosome X.

      Le gonosome (chromosome sexuel) manquant dans la monosomie X est en général d'origine paternel, donc le chromosome X restant est d'origine maternel.

    • Le syndrome touche 1 à 2 % de toutes les grossesses et 1/2000 à 1/3000 naissances vivantes. Pour certains auteurs son incidence est de l'ordre de 1/5000 naissances ; aussi 2,5 à 5,5/10 000 nouveau-nés vivants du sexe féminin.

    • La monosomie X est mise en évidence chez 65 % des fœtus atteints par un hygroma cervical.

    • 80 % des monosomies X sont complètes (45,X) ; 15 % sont en mosaïque [(45,X/46,XX) OU (45,X/46,XY)], et 5 % des monosomies X sont des anomalies partielles du chromosome X [46, X, i(Xq)].

      Chez les turnériennes en mosaïque possédant le chromosome Y (45,X/46,XY), on trouve une ambiguïté génitale avec le risque de développer un gonadoblastome sur les ovaires dysgénétiques.

  • Déroulement de la grossesse :
    • Statistiquement, 39/40 zygotes monosomiques X sont expulsés par avortement spontané précoce. Pour certains auteurs la mort in utero survient chez 93 % des zygotes (45,XO).

    • La monosomie X complète est dans la majorité léthale, elle se manifeste par le syndrome de Bonnevie-Ulrich (décrit en 1930), caractérisé par un épaississement des parties molles cervicales ; un hygroma kystique cervical le plus souvent volumineux et parfois plus volumineux que le fœtus lui même à tel point de mimer la cavité amniotique ; un lymphœdème généralisé, une ascite ; un épanchement pleural ; un retard de croissance in utero et enfin, un oligoamnios.

    • Quand la grossesse n'est pas expulsée précocement, l'échographie peut montrer une élargissement de la clarté nucale (supérieure à 3mm) au cours du premier trimestre de la grossesse avec parfois un anasarque généralisé et une tachycardie fœtale.

    • Le dépistage combiné (risque sérologique du premier trimestre associé à la mesure de la clarté nucale entre 11 et 13 SA et 6 jours) permet de dépister 96 % des monosomies X ; ce test est caractérisé par une augmentation modérée du taux plasmatique de la sous-unité bêta hCG et une baisse de PAPP-A (Pregnancy associated protein-A).

    • Le dépistage sérologique seul des anomalies chromosomiques du deuxième trimestre, permet de dépister 53 % des monosomies X. Ce test est caractérisé par :
      • Diminution du taux sérique de l'alpha fœtoproteïne, de l'estriol, de hCG, et de l'inhibine.
      • S'il existe un anasarque fœtal, les taux plasmatiques de hCG et de l'inhibine augmentent.

    • Au cours du deuxième trimestre on observe, en cas de monosomie X, la présence chez un fœtus du sexe féminin un hygroma kystique cervical associé à une anasarque fœtal (hydrops fetalis).
      En effet, 60 % des fœtus atteints d'hygroma cervical sont monosomiques X.

    • La monosomie X, dans sa forme légère (en mosaïque ou complète), donne l'ensemble des anomalies groupées dans le syndrome décrivit par Turner en 1938 et qui touche 0,4 % des nouveau-nés filles. Certaines de ces anomalies sont dépistables à l'échographies prénatales :

      • Dysmorphie faciale avec rétrognathisme, oreilles bas implantées ; brachycéphalie et pterygium colli.

      • Membres courts (inférieur à la 2e déviation standard) avec fémur court et humérus court ; brachymétacarpie du 4e (et parfois du 5e) rayons ; la lymphœdème marqué au niveau des extrémités et qui est limité aux faces dorsales des mains et des pieds est un signe évocateur de la monosomie X.

      • Malformations cardiaques dans 60 % des cas : coarctation de l'aorte dans (45 %) des cas ; hypoplasie du ventricule gauche (15 %) , sténose valvulaire ; communication inter ventriculaire.

      • Anomalies rénales (dans 50 % des cas) : des reins en fer à cheval (horseshoe kidneys) caractérisés par une fusion rénale inférieure par un prolongement de tissu rénal passant devant l'aorte ; agénésie rénale unilatérale ; hypoplasie rénale ; dysplasie kystique rénale ; rein pelvien ; duplication réno-urétérale ; simple pyélectasie.

      • Au niveau des organes génitaux : Il s'agit d'un fœtus possédant des organes génitaux internes et externes féminins, mais les ovaires sont petits (en forme de bandelette) et dépourvus d'ovogonies et de follicules primordiaux ; hypoplasie utérine et hypotrophie du clitoris.
        En cas de mosaïque (45,X/46,XX), l'atrophie ovarienne est inconstante et quelques follicules peuvent se développer.
        Il est impossible de mettre en évidence ces anomalies des organes génitaux par l'échographie réalisée au cours de la grossesse.

      • Malgré la présence d'une monosomie X, l'échographie réalisée au cours du 1e et 2e trimestres de la grossesse peut montrer un phénotype fœtal tout à fait normal, donc sans aucune anomalie morphologique décelable, et c'est l'étude du caryotype fœtal réalisé pour âge maternel avancé, ou pour dépistage sérologique maternel pathologique que le diagnostic de monosomie X et rapporté.

  • A la naissance de l'enfant monosomique X :
    • A la naissance, le terme de grossesse est normal ; le poids moyenne est de 2500 à 2900 g ; la taille est de 45 à 47,5 cm.

    • La petite taille, l'excès de peau sur la nuque et le lymphœdème dur, localisé au dos des mains et des pieds (sans s'étendre aux segments distaux des membres) doivent évoquer le diagnostic.

  • Les anomalies dysmorphiques et les malformations décrites chez les individus monosomiques X :
    • Dysmorphie crânio-faciale et organes des sens :
      • Dysmorphie faciale : visage triangulaire, fente palpébrales obliques en bas et en dehors, parfois un épicanthus uni ou bilatéral ; une ptosis (abaissement permanent de la paupière supérieure) ; commissures labiales parfois abaissées ; les dents mal implantées et la voûte palatine ogivale ; rétrognathisme.
      • Oreilles bas implantées ; surdité congénitale.
      • Anomalies oculaires : cataracte congénitale et myopie sévère ; daltonisme.

    • Cou :
      • Le cou est court et élérgi par le pterygium colli, appelé aussi "la palmure du cou" et qui relie la mastoïde à la région acromiale. Le pterygium colli est la séquelle de l'hygroma cervical qui se développait in utero.

      • Sur la nuqe, les cheveux sont très bas implantés et atteignant parfois le haut des épaules.

    • Anomalies des membres et le squelette :
      • Membres supérieurs :
        • Les membres supérieurs sont caractérisés par la présence d'un cubitus valgus (dévié en dehors) ;
        • Une brachymétacarpie (raccourcissement des 4e et 5e métacarpes) ;
      • Membres inférieurs :
        • Les membres inférieurs présentent une déformation des jambes par l'écrasement du plateau articulaire supérieur interne du tibia qui paraît oblique en bas et en dedans (signe de Kosowicz) déviant le genou et la jambe en dedans ; ce signe se voit surtout à partir de l'âge de 7 ans.
      • Squelette :
        • Thorax large et diamètre bi-acromial plus grand que le diamètre transvase du bassin ;
        • Il existe aussi un retard de l'âge osseux ; une transparence radiologique de la squelette (sans ostéoporose prononcée) ; petite selle turcique ; hypoplasie de l'Atlas et inégalité des plateaux articulaires des vertèbres dorso-lombaires.

    • Dermatologie :
      • Des nævi pigmentaires sur le visage, les avant-bras, le thorax et ailleurs ; tendance à former des cicatrices chéloïdes ; les ongles sont souvent hypoplasique et convexes.
      • Mamelons souvent hypoplasique et exagérément écartés.

    • Organes génitaux :
      • Le plus souvent, les filles restent impubères, par conséquence en aménorrhée primaire et surtout stériles.
        En effet, leurs organes génitaux externes sont de type infantile avec une hypertrophie du clitoris et accentuation de la fusion labiale postérieure ; pilosité pubienne réduite ou inexistante et pilosité axillaire absente ; des mamelons et des seins hypotrophiques et de type infantile.
        Les ovaires sont atrophiques prenant la forme de bandelettes fibreuses et dépourvus de cellules germinales et de follicules.

      • Du point de vue hormonale, on note une baisse importante du taux d'œstrogènes et de leur métabolite, le prégnandiol ; puis une élévation du taux de FSH, mais parfois le taux de FSH est normal chez certaines turnériennes adultes malgré l'impuberté manifeste. Le taux des 17-cétostéroïdes est souvent bas.

      • Dans la littérature médicale, depuis 1960, ont été publiées des observations de grossesse chez des femmes atteinte de syndrome de Turner (turnériennes) et de caryotype (45,XO) complète (homogène) ou en mosaïque. Ces grossesses sont caractérisées par un risque élevé de la survenue d'anomalies au cours du déroulement de la grossesse et à la naissance qui est de l'ordre de 80 % : taux élevé d'avortement spontané et de mortinatalité et aussi un risque augmenté de naissance d'enfants porteurs d'aneuploïdie ; de malformations graves. Seulement un tiers des enfants vivants suites à ces grossesses sont normaux.

    • Malformations viscérales :
      • Malformations cardiaques (présentes dans 60 % des cas) :
        • Les malformations congénitales prédominantes sont les malformations cardio-vasculaires, et en particulier la coarctation de l'aorte (qui représente plus de 50 % de l'ensemble des malformations cardiaques).
          Des cas d'hypoplasie du ventricule gauche (15 %) , sténose valvulaire ; communication inter ventriculaire ont été rapportés.

      • Anomalies de l'appareil urinaire (présentes dans 50 % des cas) :
        • Des reins en fer à cheval (horseshoe kidneys) ; agénésie rénale unilatérale ; hypoplasie rénale ; dysplasie kystique rénale ; rein pelvien ; duplication réno-urétérale ; simple pyélectasie.

    • Développement psychomoteur et vie en société :
      • Le développement psychomoteur des turnériennes est variable d'une personne à une autre, mais généralement le Qi peut être élevé ; souvent les malades ont des capacités intellectuelles leurs permettant, dans 50 % des cas, d'atteindre la fin de 2e cycle scolaire ; elles sont de petite taille et souffrent d'impuberté et par conséquence d'infertilité.

  • Références :
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    • Gilles Body, Franck Perrotin, Agnès Guichet, Christian Paillet, Philippe Descamps. " La pratique du diagnostic prénatal ". Masson 2001.
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Auteur © : Dr Aly Abbara
Dernière mise à jour : 2 Mai, 2023