Grossesse gémellaire monochoriale bi-amniotique à 15,5 SA avec un jumeau polymalformé :

• Foetus acardiaque : pas structures cardiaques (holoacardius), mais la présence d'une vascularisation provenant de l'autre jumeau normal (jumeau pompe) par le cordon ombilical.

 Anencéphale (acrânie - acranius) : absence de structures céphaliques identifiables.

• Amélie des membres supérieurs (absence des deux extrémités supérieures)

• Sirénomélie : un seul membre inférieur comportant deux segments : supérieur avec un fémur, et inférieur contenant deux os longs, mais apodie (absence de pied). Ce membre inférieur est parfois animé par certains mouvements de type flexion - déflexion très réduites.

• Probable vessie (entourée par les deux artères ombilicales) ; une structure digestive liquidienne ; un segment désorganisé du rachis ; quelques côtes incomplètes.

• Un œdème fœtale généralisé sous-cutané majeur enveloppant ce fœtus acardiaque.

•  Un cordon ombilical bi-artériel communiquant au cordon ombilical du jumeau normal à la surface du placenta unique.

• L'estimation du poids de ce jumeau acardiaque est égale 7,7 grammes pour une longueur de 3,3 cm, contre 118 grammes + 10 % pour le jumeau pompe (donneur normal).


Les fœtus acardiaques (l'acardie ; acardia) :

  • Appelés aussi : acardius ; monstre acardiaque ; monstre omphalosite ; jumeau parasite ; fœtus amorphe ; séquence "TRAP" pour "Twin Reversed Arterial Perfusion" = séquence de perfusion artérielle gémellaire inversée.

  • Le jumeau acardiaque est spécifique aux grossesses gémellaires monochoriales (mono ou biamniotiques, mais le plus souvent mono-amniotiques) ; principalement chez les fœtus du sexe féminin, et chez les femmes nullipares.

  • L'acardie (acardia) est observée dans 1/30 000 à 35 000 grossesses ; 1/100 à 1/150 grossesses monozygotes, monochoriales et 1/30 grossesse triples monochoriales.
     
  • Ethnologie admise de l'acardie :

    Il s'agit de complication des anastomoses vasculaires souvent superficielles (à la surface du placenta) et parfois profondes au niveau des placentas monochoriaux.

    Une atrophie du cœur et du pôle céphalo-thoracique secondaire à une perfusion passive, une conséquence de la présence des anastomoses artério-artérielles qui permettent au sang de jumeau normal (jumeau pompe) de perfuser le jumeau acardiaque, puis des anastomoses veino-veineuses profondes qui récupèrent le sang du jumeau acardiaque pour l'envoyer vers le jumeau pompe :

    • les artères ombilicales du jumeau bien portant (jumeau pompe) sont directionnelles :

      • direction 1 : elles envoient la grande partie du sang foetal (sang hypo-oxygéné) du jumeau normal (foetus pompe) vers le placenta ;

      • direction 2 : ces mêmes artères ombilicales, par des anastomoses artério-artérielles, assurent la vascularisation du jumeau acardiaque en se connectant à ses artères ombilicales qui lui acheminent, via son cordon, de sang artériel hypo-oxygéné (désaturé) provenant de son jumeau pompe (jumeau donneur).

        Dans ce type de circulation artérielle, le jumeau acardiaque est un jumeau parasite, se nourrissant de la circulation du jumeau pompe.

      • le sang du foetus acardiaque, encore plus hypo-oxygéné est acheminé par sa veine ombilicale vers la circulation veineuse du jumeau pompe en passant par des anastomoses veino-veineuses aux niveaux du placenta ; ces anastomoses permettent la connexion de veine ombilicale du jumeau acardiaque avec la veine ombilicale du jumeau pompe.

      • Comme on peut l'observer, la vascularisation du foetus acardiaque est passive, toujours avec de sang hypo-oxygéné.

        Le sens de la circulation sanguine dans le cordon ombilical du jumeau acardiaque est inversé : les artères ombilicales apportent le sang au foetus acradiaque et la veine ombilicale permet son retour vers le jumeau pompe.
        Cette séquence caractérisée par l'inversion de la circulation au niveau des artères ombilicales du jumeau acardiaque est appelée séquence "TRAP" pour "Twin Reversed Arterial Perfusion"

        Les anastomoses artério-artérielles et veino-veineuses dans la séquence TRAP surviennent précocement dans la vie embryonnaire (entre 18° et 21° jours de la conception). Ce type d'anastomoses sont favorisées par la proximité d'implantation des deux cordons ombilicaux sur le placenta monochorial.

      • L'absence du cœur, signifie l'absence de réseaux vasculaires nécessaires à la vascularisation de la moitié supérieur du foetus (le pôle céphalo-thoracique et les membres supérieurs) d'où le non ou l'altération du développement de ces parties anatomiques.

  • Anatomiquement, le jumeau acardiaque comporte de multiples malformations :

    • Le foetus acardiaque (acardius) est habituellement enveloppé par une infiltration œdémateuse le rendant amorphe.

    • Il s'agit d'une grossesse mono-choriale, donc monozygote, mais parfois les deux jumeaux sont de deux sexes différents avec une masse placentaire unique (fusion précoce des deux placentas), ou en rapport avec la fécondation d'un globule polaire issu de la méiose.

    • Le cœur est absent (holo-acardius), parfois présent, mais rudimentaire : la circulation passive par parasitage entraîne des perturbations hémodynamiques profondes à l'origine de l'atrophie du cœur (acardius) ou sa persistance à l'état de tube primitif (hémicardius ou pseudo-acardius).
      Dans tous les cas, même en présence d'un cœur, il s'agit d'un cœur non fonctionnel.

    • A l'échographie, l'absence de battements cardiaques chez le jumeau acardiaque mène à penser qu'il s'agit d'un jumeau mort in-utero, mais c'est grâce au Doppler couleur, voire Doppler énergie (ou Dynamic-Flow) qu'on peut mettre en évidence la présence d'une circulation sanguine au sein de cette masse informe qui est l'acardiaque vivant.
      Parfois avec une longue observation échographique, on peut constater la présence de mouvements actifs corporels animant l'acardiaque in utero, surtout quand il possède des ébauches de membres inférieurs et rarement supérieurs.

    • Absence du pôle céphalique, ou anencéphale : monstre acardiaque-acéphale, ou acardiaque-anencéphale.

    • Absence de membres supérieurs : amélie bilatérale supérieure, mais parfois, les membres supérieurs sont présents et hypoplasiques.

    • Des zones liquidiennes intra-troncales : segments digestifs obstrués.

    • Des zones hyper-échogènes correspondant à des structures osseuses incomplètes, mal développées et désorganisées : rachis, côtes thoraciques.

    • Les membres inférieurs peuvent être présents, mais parfois un seul membre est retrouvé.

    • Il existe une nette différence du développent entre le jumeau normal (jumeau pompe) et le jumeau acardiaque.
      Le poids du jumeau acardiaque fait partie des éléments permettant l'évaluation du pronostic chez le jumeau pompe, car l'augmentation de la masse à perfuser chez le foetus acardiaque accentue , chez ce jumeau donneur, le risque d'insuffisance cardiaque et par conséquent, l'augmentation des éventuelles complications dues à cette insuffisance cardiaque.

      Pour estimer le poids du jumeau acardiaque, il est possible d'utiliser cette formule :

      • Estimation du poids du foetus acardiaque en gramme = -1,66 x L + 1,21 x L²
        L = longueur de l'acardia en cm.

    • L'artère ombilicale unique est une pathologie funiculaire fréquemment retrouvée chez les jumeaux acardiaques (dans 50 % à 66 % des cas).

    • Un oligoamnios, voire un anamnios peut apparaître progressivement du côté du jumeau acardiaque quand il s'agit d'une grossesse monochoriale biamniotique.

    • Les foetopathlogistes classent les jumeaux acardiaques en cinq types :

      • 1- (14,8 % des cas) - Acardius anceps - Hémicardius (ou hemiacardius anceps) (tube cardiaque primitif) - Holocardius (cœur présent, mais ± malformé) ou holoacardius (pas de cœur) : il s'agit du foetus acardiaque le plus différencié ; tête petite et malformée ; extrémités peu développées ; organes thoraciques rudimentaires, hypoplasiques ; foie, rate et reins dysplasiques ; sinus urogénital ; atrésie intestinale ; omphalocèle.

      • 2- (65,8 % des cas) - Acardius acephalus (ou holoacardius acephalus) : même aspect du précédent, mais dépourvu de tête, d'organes thoraciques et de bras.

      • 3- (2,2 % des cas) - Acardius acormus (ou holoacardius acormus) (acormus = sans corps) : tête associée ou non à un corps rudimentaire. Le cordon s'implante en région cervicale.

      • 4- (8,1 % des cas) - Acardius myélocéphalus : masse amorphe reproduisant l'aspect d'une ou deux extrémités de membres.

      • 5- (9,1 % des cas) - Acardius amporphus (ou holoacardius amorphus) : masse irrégulière sans aucune différenciation externe, et couverte de peau et enfermant des différentes ébauches viscérales et des pièces squelettiques segmentées.

    • Des anomalies chromosomiques ont été observées chez les jumeaux acardiaques : sur 26 acardiaques, 13 aneuploïdies ont été mises en évidence (une polyploïdie à 92 chromosomes, une triploïdie, deux XXY, des multiples translocations, délétions ou inversions).
      Les polyploïdies parfois sont expliquées par la fécondation du premier globule polaire diploïde.

    • Le jumeau normal (jumeau pompe ou jumeau donneur), par des shunts vasculaires, développera une insuffisance cardiaque qui peut apparaître au cours du développement in-utero, aboutissant à l'apparition d'un hydramnios, voire d'une anasarque foeto-placentaire à l'origine d'avortement tardif, d'accouchement prématuré, et parfois d'une mort fœtale in-utero.
      Afin d'éviter ces éventuelles complications, la réalisation, dans certains cas, d'une fœetocide sélective semble nécessaire sur jumeau acardiaque par l'obstruction chirurgicale de ses artères funiculaires, mais la circulation du jumeau acardiaque peut s'interrompre spontanément dans 40 % des cas.

    • 10 % des jumeaux pompes (donneurs) présentent des malformations congénitales.

    • Paramètres biologiques :
      • Élévation du taux de l'alpha-foetoprotéïne dans le sérum maternel et dans le liquide amniotique.
      • Le teste de l'acétylcholinesterase est positif dans le liquide amniotique.

    • Le diagnostic différentiel dans l'acardie est essentiellement avec le tératome placentaire, mais dans cette tumeur, le cordon ombilical est absent ; puis le deuxième diagnostic différentiel est avec la mort fœtale in utero d'un jumeau, dans ce cas là, le Doppler ne révèle pas la présence d'une circulation sanguin au sein de ce foetus, via le cordon ombilical.

  • Références
    • Catherine Garel, Marie Cassart. Imagerie du foetus au nouveau-né. Lavoisier Médecine Sciences p;642-644. 2016.
    • Grangé Gilles, Bargy Frédéric. Guide pratique de l'échographie obstétricale et gynécologique. p;280. Elsevier-Masson 2016. 2° édition.
    • Philippe Bourgeot, Bernard Guérin du Masgenêt. Yann Robert, Véronique Houfflin-Dbarge, Yves Ardaens. " Échographie en pratique obstétricale ". Elsevier Masson. p;649-651 - 5° édition 2014
    • Boussion Françoise, Pézard Philipppe. Echocardiographie foetale. p;92-94 ; p;294-295. Elsevier-Masson 2013.
    • PJ. Woodward, A. Kennedy, R. Sohaey, J. L.B. Byrne, K. Y. Oh, M.D Puchalski, T. C Winter, L.A McLean. Diagnostic Imaging Obstetrics. 11:26-29. AMIRSYS 2011.
    • Beryl Benacerraf. Ultrasound of fetal syndromes. p;621-624. Churchill Livingstone Elsevier 2008.
    • Pathologie foetale & placentaire pratique. Ouvrage collectif de la Société Française de foetopathologie - SOFFOET coordonné par FE Razavi et D Carles. sauramps médical. p;490-493. 2008.
    • Eberhard Merz. Ultrasound in Obstetrics and Gynecology. p:428-430. Thieme 2005.
    • Michael Entezami, Matthias Albig, Adam Gasiorek-Wiens, Rolf Becker. Ultrasound Diagnosis of Fetal Anomalies. p;308-310. Thieme 2004.
    • Larsen. Embryologie humaine. p;181. 2° édition française. de boeck 2003.

Auteur Dr Aly ABBARA
18 Octobre, 2016

Contacter Dr Aly ABBARA
  Paris / France